Créteil 2009, Jour 1 : Paroles, paroles, paroles…
Voilà un festival qui ne commence pas sous les meilleurs auspices, avec cette interminable cérémonie d’ouverture. (voir mon précédent billet d’humeur)
On y a parlé politique, théâtre, poésie, musique, et finalement assez peu de cinéma… En fait on y a beaucoup parlé, trop parlé… Et tout traduit en anglais, y compris les propos les plus insignifiants. Résultat : beaucoup de retard pour la projection des films, et j’ai dû renoncer à voir le film d’ouverture sous peine de me retrouver bloqué à Créteil. C’est dommage. Les premiers échos sur le nouveau film de Léa pool, Maman est chez le coiffeur, sont plutôt positifs…
Je me suis donc contenté de The water diary, un court-métrage de Jane Campion, qui effectue son grand retour derrière la caméra. Ce petit film est tiré de 8 against poverty, une anthologie de huit court-métrages, signés par de grands réalisateurs. Chacun illustre l’un des objectifs du millénaire fixés par l’ONU pour améliorer les conditions de vie sur la planète, qui ont été acceptés par les grandes puissances occidentales (réduire l’extrême pauvreté et la faim, assurer l’éducation primaire pour tous, promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle, combattre les grandes épidémies, protéger l’environnement, mettre en place un partenariat mondial pour le développement.) (pour plus d’infos, voir le site de l’ONU).
Jane Campion illustre le thème de l’environnement, montrant les conséquences d’une sécheresse dans une région aride et reculée, à travers un regard d’enfant. Ce petit film est loin des chefs d’œuvres de la cinéaste néo-zélandaise, mais recèle quand même quelques trouvailles poétiques, comme ces larmes d’enfants qui viennent irriguer la terre craquelée et ce concert de violon en plein air, pour appeler la pluie…
Créteil 2009, Jour 2 : Sous le soleil exactement
Place à la compétition pour ce deuxième jour de festival, avec des œuvres de qualité, qui font un peu oublier la frustration d’avoir raté le long-métrage de la veille.
Deux thèmes majeurs se dégagent des œuvres présentées : les mutations économiques et sociales des anciens pays du bloc communiste et l’émancipation des femmes.
Knitting, film chinois de Yin Lichuan, commence comme une petite comédie dramatique articulée autour d’un problématique « ménage à trois », puis se transforme en subtile variation sur les mutations de la société chinoise, constatant le passage du régime socialiste à une société de consommation pure et dure, complètement déshumanisée, et évoquant l’écart qui persiste entre les métropoles et les villages de province. C’est aussi et surtout un beau portrait de femme, fragile et dérisoire face à l’immensité de la jungle urbaine.
Participation, Kommunalka et Je suis de Titov Veles évoquent également les vestiges du communisme stalinien. Si le premier n’est qu’un court-métrage assez médiocre tentant maladroitement de comparer l’idéologie socialiste à un groupe de vieillards décrépis et parqués dans un hospice glacial, les deux autres sont plus subtiles.
Kommunalka est un documentaire sur les appartements communautaires qui subsistent encore à Saint-Pétersbourg. Initialement, les kommunalki étaient d’anciens hôtels particuliers et grandes maisons bourgeoises réquisitionnées par les bolcheviks pour pallier à la crise du logement après la révolution russe en 1917, et l’afflux massif de paysans dans les villes. On trouve encore de ces grands appartements, composés de plusieurs chambres minuscules où cohabitent de manière plus ou moins forcée des gens qui n’ont pas les moyens d’acheter leur propre bien : retraités en situation précaire, chômeurs, étudiants fauchés…
La cinéaste Françoise Huguier avait séjourné au sein de ces kommunalki dans les années 1990. Elle y est retournée pour en tirer un recueil de photographies et ce film, qui observe avec tendresse et humour les conflits et les petits moments de complicité entre les occupants des lieux. En arrière-plan, les témoignages évoquent l’histoire passée et dressent le portrait d’une société ayant connu de profonds changements, laissant au passage quelques personnes sur le bord de la route.
Je suis de Titov Veles est une fiction au ton assez étrange, qui repose sur les liens unissant trois sœurs, au moment où elles s’apprêtent à se séparer pour vivre chacune de leur côté, si possible sous d’autres cieux plus cléments. L’action se passe en effet à Titov Veles, une petite ville de Macédoine dont les habitants meurent peu à peu, empoisonnés par la pollution qui s’échappe de l’ancienne usine située au cœur de la ville, héritage de la dictature de Tito.
On comprend donc les velléités de départ de ces trois femmes, qui en attendant, tentent de s’évader en s’abandonnant à la drogue, au sexe, ou en se repliant sur elles-mêmes. Mais pour partir, il faut un visa, et cela reste aujourd’hui encore très difficile à obtenir, même si le pays est candidat à l’adhésion à l’union européenne.
Cette histoire, qui évoque aussi bien Les trois sœurs de Tchekhov que les trois Moires de la mythologie grecque traite également de désir et d’amour, mêlant onirisme et références bibliques, et révèle le talent d’une jeune cinéaste audacieuse dans un pays où faire des films s’avère une gageure.
Autre film en compétition, El Patio de mi carcel est beaucoup plus classique formellement et thématiquement. C’est l’histoire un peu usée de femmes détenues, qui, sous l’impulsion d’une gardienne plus compatissante que les autres, vont trouver un peu de réconfort dans la pratique du théâtre, et redonner un sens à leurs vies. Heureusement, les actrices (Candela Pena, Veronica Echegui,…), toutes excellentes, et la mise en scène élégante de Belen Macias rendent le film tout à fait plaisant et émouvant.
Niveau courts-métrages, le public a eu droit à un autre segment de 8 against poverty, intitulé How can it be ? Signé par Mira Nair, c’est l’histoire d’une femme d’origine indienne qui décide d’abandonner mari et enfant pour vivre pleinement son amour pour un autre homme. Bien filmé, mais pas franchement inoubliable.
Même conclusion à l’issue de la projection de September, l’étrange histoire d’un type enraciné dans une vie morne et sans avenir, qui va décider d’aller de l’avant suite à sa rencontre avec une jeune femme capable de voler…
En revanche, La vérité zébrée de Sophie Fillières, s’est avéré plutôt amusant. C’est l’histoire toute simple d’une trentenaire paumée, qui lorsqu’elle s’assoit sur l’horrible fauteuil zébré-kitsch qu’elle a reçu pour son anniversaire, est prise d’une irrépressible envie de dire la vérité, sur les autres comme sur elle-même. Un bel exercice de style où le jeu d’Hélène Fillières fait merveille. De quoi attendre avec impatience le nouveau long de la cinéaste, avec Chiara Mastroianni en vedette, Un chat un chat.
Les films étaient globalement bons, donc, mais ont fait pâle figure à côté de Pierrot le fou, le chef d’œuvre de Godard qui, plus de quarante ans après, reste toujours un formidable cri de liberté, une expérience cinématographique brillante qui bouleverse les règles de la narration filmique et qui caractérise à merveille ce qu’était l’esprit de la Nouvelle vague.
Comme promis, Anna Karina était au rendez-vous, avec quelques années de plus, mais toujours le même regard pénétrant, les mêmes moues amusées, pleine de vie et de fantaisie.La rencontre était l’un des temps fort du festival, un beau rayon de soleil pour terminer cette journée riche en films et en émotions.
Sinon, niveau organisation, ça cafouille toujours autant : micmac dans les bulletins de vote du public et encore une accumulation de retards qui ont fait commencer l’hommage à Anna Karina avec près d’une heure de décalage… Il y a encore du chemin à parcourir…
Créteil 2009, Jour 3 : Des z’animos partout…
Ce n’est plus un festival, c’est une animalerie ! Non, je ne parle pas des thons, morues, truies, chiennes, pies (forcément bavardes), pingouines et autres noms d’oiseaux que d’affreux machos utilisent pour parler des festivalières féministes et qui provoquent à chaque fois la colère de Florence Montreynaud, chef de meute attitrée… Non, je parle des animaux présents à l’écran pour les films de la journée, soit :
1) des chevaux
Dans A horse is not a metaphor, Barbara Hammer laisse de côté son exploration de l’homosexualité féminine pour raconter une histoire plus intime, bouleversante, celle de son combat contre un cancer de l’utérus. Elle retourne à une forme expérimentale pour aborder sa maladie, se comparant à des chevaux, robustes, décidés, volontaires et farouchement libres…
2) des cochons d’Inde
Ceux qui donnent le titre au court-métrage de Paz Fabrega, Cuilos, l’histoire d’une fillette qui s’éveille au désir, et qui fait entrer un garçon dans sa chambre. Dénoncée par sa jeune sœur, elle se venge en ouvrant la cage de ses chers rongeurs, pour leur rendre leur liberté. Un argument assez mince pour un film anecdotique…
3) des abeilles
Les abeilles en question, ce sont celles qui appartiennent à Miss August Boatwright, une femme noire propriétaire d’une apiculture prospère, au sud des Etats-Unis. Lilly Owen, une adolescente fugueuse, vient s’y réfugier en compagnie de sa gouvernante Rosaleen, une jeune noire qui a échappé de peu à un lynchage en règle, alors qu’elle tentait de s’inscrire sur les listes électorales du village. Il faut dire que Le secret de Lilly Owens se déroule en 1964, au moment où la loi sur les droits civiques des noirs vient juste d’être votée. Officielle, mais pas près d’être appliquée par une population encore habituée à des siècles de racisme et d’esclavage…
Le contexte de cette chronique romanesque était intéressant, mais il est hélas sous exploité au profit d’un épouvantable mélo tire-larmes comme seul Hollywood ose encore en faire, assez ridicule au final. Reste la complicité des actrices, mais c’est insuffisant pour sauver le film de la médiocrité.
4) un enfant-poisson
El ninõ pez est le titre du nouveau film de Lucia Puenzo. Une œuvre forcément étrange, à l’intrigue bizarrement morcelée, racontée par bribes disparates, entre flashbacks et présent. On ne comprend pas trop ce qu’a voulu exprimer la cinéaste par cette mise en scène inutilement alambiquée, d’autant que le script, qui raconte surtout l’amour de deux femmes, une jeune bourgeoise et sa domestique paraguayenne, est finalement assez simple. Heureusement, l’ensemble ne manque pas de charme et est porté par les deux comédiennes, très convaincantes.
5) deux petits cochons
Disons plutôt deux adolescents, un garçon et une fille, qui découvrent la sexualité à la fin des années 1970, unis par les mêmes goûts musicaux (ils sont tous deux fans des Buzzcocks). Dans Love you more, un court-métrage de Sam Taylor-Wood, la montée du désir et la gêne qui précède l’acte sont particulièrement bien rendus.
En dehors de ces considérations animalières, la compétition comportait aussi deux œuvres particulièrement réussies.
Apron strings est un film choral venu des îles Samoa – c’est rare - qui entrelace les bribes de vie de trois foyers et plusieurs cultures différentes (anglo-saxonne, indienne, vietnamienne) Une œuvre assez équilibrée et finement interprétée, qui parle d’intolérance raciale ou sexuelle, et qui traite de relations familiales complexes.
Chega de saudade est d’ores et déjà l’un de mes coups de cœur de ce festival. Déjà primée à Créteil il y a quelques années pour La bête aux sept têtes, Laïs Bodansky revient avec ce film dont le point de départ est tout simple – un jeune couple vient, le temps d’une soirée, assurer la sono d’un bal pour personnes âgées – mais qui permet de passer avec fluidité d’un personnage à un autre et de dresser, en captant ça et là de minuscules fragments de vie, petits drames et petits bonheurs, un portrait social très subtil. Le film brasse un nombre impressionnant de thématiques, sur la vieillesse, la maladie, la mort, le sentiment amoureux, la jalousie, le désespoir, la solitude,… Le tout sur fond d’une musique omniprésente et entraînante. On n’est pas si loin – un cran en dessous, tout de même - du chef d’œuvre de John Huston, Les gens de Dublin, qui cachait derrière une apparente légèreté, des abymes de désespoir… Délicat, drôle, touchant, Chega de saudade est un film à découvrir…
Autre bonne surprise, hors compétition, Never forever. Le film de Gina Kim raconte l’histoire d’une femme dont le couple bat de l’aile, car le mari, un homme d’origine coréenne, désespère de ne pas avoir d’enfant. Quand elle apprend qu’il est définitivement stérile, elle décide de payer un autre homme, un coréen sans papiers, pour la rendre enceinte. Mais ce qui n’était qu’une simple transaction va s’avérer lourd de conséquences quand les sentiments vont se faire jour… L’œuvre est portée par l’interprétation impeccable de Vera Farmiga, mais aussi par une photo superbe et les phrases musicales, reconnaissables entre mille, du génial Michael Nyman…
Créteil 2009, Jour 6 : Le Fu-Manchu
Ah pardon, le Schumann fou...
Les années se suivent et se ressemblent à Créteil. Après la projetion l'an passé du Copying Beethoven d'Agniezska Holland, c'est au tour de Robert Schumann, Johannes Brahms et surtout de leur muse, Clara Schumann, d'être mis à l'honneur.
Clara d'Helma Sanders-Brahms (aucun lien?) raconte les dernières années de la vie de Robert Schumann, de son apogée – la symphonie Rhénane – à sa chute – la maladie mentale et l'internement en clinique psychiatrique.
Mais le film se centre surtout sur le personnage de Clara. A une époque où les femmes devaient se contenter d'être des épouses et des mères, elle faisait plus que soutenir son mari. Pianiste brillante, elle interprétait ses œuvres, et le remplaçait quand ses crises l’empêchaient d’assurer ses fonctions de chef d’orchestre. Une gageure, car les formations de l’époque, exclusivement masculines, n’étaient pas vraiment enclines à se laisser diriger par une femme. Elle était également compositrice à ses heures perdues, et nul doute qu’elle aurait pu laisser une œuvre conséquente si elle n’avait pas eu à assurer en parallèle son rôle de parfaite femme d’intérieur… Bref, une figure de femme moderne, qui ne pouvait que toucher la cinéaste, féministe de la première heure.
Le point de vue, même s’il est finalement très proche de celui de Copying Beethoven, était assez original pour porter le film, surtout que c’est l’excellente Martina Gedeck qui tient le rôle-titre. Malheureusement, la réalisatrice s’est compliqué la vie en développant deux autres arcs narratifs : d’une part la montée des troubles nerveux chez Robert Schumann, et d’autre part le triangle amoureux complexe formé par ce dernier, Clara et Brahms.
Le film, mal équilibré, laisse un sentiment mitigé. Un sentiment que renforce encore un casting international hétéroclite, qui a nécessité qu’une partie des dialogues soit doublée – assez mal, il faut dire. C’est triste à dire, mais Martina Gedeck doublée se débrouille mieux que Pascal Greggory en version originale, qui en fait des tonnes dans le rôle de Schumann (sauf dans les scènes finales, où il retrouve une émouvante sobriété).
Reste la musique, somptueuse, des époux Schumann et de Brahms… Parfaitement mise en valeur par l’acoustique du beau théâtre de Créteil, c’était un véritable ravissement pour les oreilles…
Créteil 2009, Jour 8 : De l’art délicat du fist-fucking…
Encore un bon film ce soir, avec la projection de Wendy & Lucy, l’histoire sobre et bouleversante d’une jeune femme (Michelle Williams, remarquable) qui traverse les Etats-Unis dans sa vieille voiture, en direction de l’Alaska, l’un des rares endroits où elle pourra trouver du travail. Sa seule compagnie est sa chienne Lucy. Un jour, la voiture tombe en panne. C’est le début d’une véritable galère… Le film est surtout un prétexte pour parler des laissés pour compte, des gens ordinaires qui luttent quotidiennement pour leur survie dans un monde qui n’a rien à voir avec l’image d’une Amérique prospère et libertaire.
Avec cette œuvre émouvante, Kelly Reichardt – qui a honoré le festival de sa présence - se pose définitivement en digne héritière des maîtres du néoréalisme italien.
En revanche, je ne sais pas trop à qui ou à quoi comparer Catherine Corringer, la réalisatrice de Smooth, un court-métrage plutôt euh… spécial…Les mineurs et les âmes sensibles peuvent arrêter là leur lecture, et reprendre au Jour 9, merci…
« C’est un film doux » a cru bon de préciser la cinéaste avant la projection. Ah !?!
Les premières images laissent plutôt à penser qu’il s’agit d’un film « flou », mais au bout de deux ou trois minutes, les plans se font plus explicites et on en vient à regretter le collage abstrait du début : un bras sort de l’anus où il était enfoncé, la main tenant une espèce de gourde en plastique. D’accord, ça commence bien…
Puis le type fait un nœud avec sa verge et ses testicules. Si, si, c’est possible : vous prenez là (voir figure 1.), vous pliez comme cela (voir figure 2.), vous tirez bien sur la peau, vous faites passer la grappe par-dessus la tige et vous tournez (voir figure 3.), serrez bien fort…. Et voilà ! Même pas mal ? Alors pour corser le tout, vous pouvez aussi vous transpercer les tétons avec une sorte de tuyau médical… Dégueu ? Oui, et ce n’est pas fini…
Pendant ce temps-là, la deuxième personne, celle qui a les mains euh… baladeuses, utilise le contenu de la gourde – un puissant gel lubrifiant – en s’en badigeonnant allègrement le bras. Elle empoigne alors le nœud, totalement noué, rappelons-le, de notre bonhomme et réussit à le lui rentrer dans l’anus. Si, si, c’est possible aussi… Il faut être ravagé pour faire des trucs comme ça, mais c’est possible… Ah ! J’ai oublié de dire que le bras de l’individu numéro 2 retourne également faire un petit tour au fond du trou, histoire que le Popaul de l’individu numéro 1 se sente moins seul… Sinon ce n’est pas drôle…
Au bout de quelques minutes de plans jetés en vrac, heureusement de nouveau flous pour la plupart, le bras de l’individu numéro 2 se décide enfin à reprendre un peu l’air. Au passage, il sort une espèce de chiffon roulé en boule qu’il avait dû oublier lors de l’une de ses précédentes visites… Ah, quand on n’a pas de tête, on a des bras…
Ceci étant fait, on peut libérer les otages, toujours prisonniers dans la grotte. On défait le nœud, et ça va tout de suite mieux… Sauf que le bonhomme a maintenant les valseuses qui touchent le sol – c’est dingue ce que c’est élastique, ces bêtes-là !
Voilà, heureusement que c’était un film « doux »… Même à L’étrange festival, où passent parfois des films gratinés, je n’ai jamais vu un truc pareil ! Pourtant, le résumé du film, sur le catalogue officiel, promettait « un voyage dans le fantasme de la naissance, dans un monde d’avant l’assignation de genre… » Mouais…
La cinéaste a expliqué qu’elle faisait de « l’art charnel ». Pour moi, c’est surtout de l’archi-nul…
Créteil 2009, Jour 10 : Le combat continue…
Pour ce dernier jour du festival, on revient à des œuvres plus conventionnelles, mais aussi et surtout plus intéressantes que les parties de cache-cache de Catherine Corringer.
Tout d’abord, Harlan County U.S.A. Oscar du meilleur documentaire en… 1977, le film de Barbara Kopple est toujours d’une actualité brûlante. Il retrace le combat des mineurs de Brookside, et la longue grève qu’ils ont menée en 1973/1974 pour obtenir le droit d’appartenance à un syndicat, et, par extension, à de meilleures conditions de travail.
C’est un film exemplaire, qui montre bien le fossé existant entre les plus riches - ces actionnaires qui ne quittent pas les beaux quartiers new-yorkais et ne voient que leurs profits – et les plus pauvres, ceux qui vivent dans des conditions inhumaines, qui triment pour des salaires misérables jusqu’à ce que la maladie ou l’épuisement les emporte, et qui devraient en plus s’estimer heureux de ce qu’ils ont… Ce qui nous est donné à voir est révoltant, et donne à réfléchir sur la crise économique mondiale que nous vivons actuellement.
Finalement, trente ans après, rien n’a vraiment changé. L’économie s’est juste globalisée. Les entreprises ont délocalisé leurs usines dans les pays du tiers-monde, allant exploiter la misère humaine en toute impunité, loin de toute pression médiatique. Avec pour conséquence de maintenir dans l’asservissement bien des populations, de créer du chômage, et donc de la précarité, dans les pays occidentaux, et d’enrichir davantage une poignée de nantis insatiables.
Il suffit de voir les montants des dividendes partagés par ces sinistres individus et les confronter aux nombreuses pertes d’emploi et période de chômage technique qui frappent bien des salariés des pays dits civilisés pour se rendre compte de l’indécence de la situation…
Mais revenons à nos moutons… Harlan County U.S.A. est une œuvre magistrale qui rappelle ce que devraient être les droits élémentaires de chaque travailleur : droit à un salaire leur permettant de vivre dignement, droit à la sécurité et aux protections individuelles, droit aux congés, droit au repos compensateur, droit à la retraite, et à la retraite anticipée en cas de travail pénible, droit à une couverture sociale en cas de maladie professionnelle, droit à la possibilité de se syndiquer… Et qui rappelle qu’il faut parfois lutter pour obtenir gain de cause…
Autre film, autre injustice dénoncée… Stop loss, le nouveau long-métrage de Kimberly Peirce parle d’une loi méconnue et absolument ahurissante pour une nation qui s’est autoproclamée « pays de la liberté ». La « stop loss policy » permet à l’armée américaine de renouveler le contrat d’un soldat, sans son accord. Ce qui conduit, comme dans le film, à ce qu’un soldat tout juste revenu d’Afghanistan ou d’Irak, désireux d’oublier les traumas de ces guerres sanglantes et de reprendre une vie normale, soit renvoyé au front pour une période indéterminée… Et il n’y a aucune possibilité de dialoguer, de négocier : l’armée a les pleins pouvoirs et l’appui de toutes les cours de justice et de tous les politiciens… Toute désobéissance sera considérée comme une désertion ou un acte de haute trahison, bref, un crime… Kimberly Peirce a le mérite de mettre le sujet sur le tapis, alors que la fin des conflits dans les pays du Moyen-Orient était l’une des promesses de campagne du président Obama. Et milite pour l’abrogation de cette mesure liberticide qui date de la guerre du Vietnam, pas spécialement le plus glorieux épisode de l’histoire des Etats-Unis d’Amérique…
Pour le reste, la cinéaste se perd un peu dans des digressions sur les blessures psychologiques des soldats ayant participé aux conflits, en forçant un peu trop le trait. Dommage, car cela atténue un peu la force de son propos. Cela dit, le film est globalement de bonne qualité, porté par des acteurs plutôt justes et une belle photo signée Chris Menges.
Elle clôt en beauté ce 31ème festival de films de femmes de Créteil, dont la sélection était cette année de très bonne qualité - équilibrée, intelligente et riche en émotions.
Dommage que le public n’ait pas toujours répondu présent. Hormis une ou deux séances, la grande salle de la Maison des arts était loin d’afficher complet…
Il est vrai que les blablas interminables et les retards peuvent démotiver plus d’un cinéphile, mais c’est parfois le prix à payer pour voir des œuvres intéressantes et de bénéficier de la présence des réalisatrices.
Donc, malgré mes commentaires acerbes du début de festival, je dis « vivement l’année prochaine ! »…