Le « Printemps des Libertés », organisé dimanche dernier par l’actuelle direction du PS, n’a donc pas atteint son objectif.
L’ambiance quelque peu kholkhozienne de cette manifestation ne semble pas avoir réveillé l’enthousiasme et l’ardeur des militants puisqu’il paraît acquis aujourd’hui que les gros contingents venus faire la claque au Zénith de Paris étaient surtout originaires des bastions de Martine Aubry et Laurent Fabius. Hamon, lui, a rameuté les bans et arrière bans du MJS parisien.
La plupart des observateurs n’ont alors pas manqué de faire une comparaison avec la Fête de la Fraternité organisée par les amis de Ségolène Royal en septembre dernier. A l’époque, l’ancienne candidate aux élections présidentielles de 2007 et les militants socialistes présents au Zénith avaient essuyé une bordée d’injures de la part de socialistes de premier plan.
C’est l’occasion pour nous de faire un tout petit rappel.
Ainsi, Henri Emmanuelli avait-il déclaré :
« Tout ça n’est pas sérieux, cette vision de la politique, inscrite dans le marketing politique, la logique de la publicité commerciale, qui néglige le fond, ce genre de cérémonie qui est entre le show-business et le rassemblement de secte »
De son côté, Bertrand Delanoë avait implicitement insisté sur l’aspect artificiel et fabriqué de la prestation de Ségolène Royal en se prenant, sans rire, en contre exemple parfait :
« Chacun fait les choses selon son style, nous ne sommes pas tous identiques. Moi, je fais mon travail, je suis quelqu’un de naturel qui ne se met pas en scène […] J’ai tellement le sens de la fraternité que je n’avais pas besoin d’aller au Zénith pour être fraternel. »
Martine Aubry, volontiers donneuse de leçons, avait quant à elle asséné sur un ton seigneurial trahissant son dédain :
«Chacun son style. Je préfère être avec le parti et les militants. Laissons chacun être comme il est. Je n’ai rien à dire dès lors qu’on n’était pas dans la confrontation, dans le débat d’idées.»
Tout ceci, bien évidemment, n’est que la face émergée de l’iceberg et ne saurait totalement rendre compte de la violence verbale inouïe et des remarques blessantes qui se sont déclenchées immédiatement après la Fête de la Fraternité.
A quelques semaines du Congrès de Reims de sinistre mémoire, les réactions de ces quelques socialistes de premier plan avaient donné à nouveau le signal de la reprise de la chasse aux « Ségogoles » dans une atmosphère de lynchage politique sans précédent dans l’histoire récente du Parti socialiste.
Il fallait expurger le mal des rangs du PS comme on se serait livré à un exorcisme ou à un procès en sorcellerie. Le divorce entre l’appareil du Parti socialiste et la base militante fut alors consommé pour se révéler, dans toute sa tragique ampleur, lors du Congrès de Reims.
L’échec du « Printemps des Libertés » – puisque c’est bien d’un échec dont il s’agit – était donc prévisible compte tenu de ce passé que l’on vient de rappeler brièvement. Les blessures sont encore très vives et la direction actuelle du Parti socialiste a beau jeu de minimiser le cruel désaveu qu’elle vient de subir.
Quand on se moque des gens, quand on se gausse des élans populaires qui avaient pourtant si souvent manqué à la gauche démocratique au cours de ces 20 dernières années, il ne faut pas donc s’étonner après coup des rangs clairsemés.
La vérité est que le Parti socialiste n’a aujourd’hui plus de leader alors que la pratique institutionnelle sous la Vème République invite chaque parti politique à trouver rapidement le sien pour avoir une chance sérieuse de gouverner le pays. Non content d’avoir sciemment écarté le sien, le Parti socialiste s’est en plus doté d’un Premier secrétaire issu d’un bourrage d’urnes et de statistiques trafiquées aux petites heures de la nuit.