Le Salon des Collectionneurs s'était installé dans une salle de la mairie pour le week-end. Sur les tréteaux s'étalaient les albums de timbres, les boites de cartes postales, les casiers de fèves des rois, des vracs de capsules métalliques de bouteilles de champagne et autres trésors amassés au long des années par ces collectionneurs amateurs venus nous faire partager leur passion, vendre quelques pièces ou lier des contacts avec d'autres tordus dans leur genre.
Car le collectionneur est une engeance assez bizarre pour m'être sympathique. Imaginez ces anonymes que vous croisez dans la rue ou même au bureau ou dans l'escalier de votre immeuble qui vouent leur vie à une passion, la collection. Quelque soit le sujet, il n'y a pas de collection plus noble qu'une autre, la démarche est la même. On consacre son temps et parfois son argent, à amasser des pièces. Au début c'est par hasard, l'objet était beau on n'a pas voulu le jeter, puis un second vous tombe sous la main et fait paire avec le premier, vous avez choppé le virus. Ou bien votre père vous a initié à son vice, vous a légué ses albums de timbres et tout naturellement vous avez continué.
Toute votre vie vous rechercherez une pièce rare, vous vous documenterez sur votre domaine de passion par les livres, les revues spécialisées, internet, les catalogues, les expositions ou les conventions, en entamant des correspondances à travers le monde s'il le faut avec d'autres allumés dans votre genre. Petit à petit, vous faites partie d'un réseau, rien n'est plus réconfortant que d'être membre d'une confrérie où vous pouvez discuter et échanger des informations avec vos commensaux sans passer pour un illuminé. Vous n êtes plus seul, quelque soit votre passion il y a toujours quelque part quelqu'un qui la partage avec vous.
Devant les étals les visiteurs ouvrent de grands yeux d'enfants, les curieux reconnaissent un objet avec lequel ils ont joué étant gamin (petits trains ou voitures Dinky Toys), ou bien qui traînait dans un tiroir chez les grands parents (médailles militaires). Tous ces bibelots ou bricoles ont un point commun, ils nous rappellent toujours un moment heureux de notre jeunesse enfuie.
Tel est le secret des collectionneurs, ils cultivent en cachette les souvenirs de leur jeunesse, ils amassent discrètement les preuves concrètes d'un passé sublimé, ils sont les sentinelles du temps qui passe, archivant pour les descendances ces cartes téléphoniques périmées, ces exemplaires du Journal de Mickey écornés, toutes ces merveilles sans valeur, donc inestimables.