Après Manioka chez KSTR, c’est de Black Jake que l’éditeur indépendant va devoir répondre aujourd’hui. Mais cette fois, en bien. Cette BD réalisée par Will Argunas ( Missing) suscite à la fois l’intérêt et le dégoût. Un sentiment partagé entre une histoire solide, bien montée et des dessins griffonnés, surchargés.
Jake Brennan est un flic de Los Angeles comme on en voit (trop) dans les films. Un flic qui baigne dans l’illégalité sans protection imperméable. Prostitution, drogue, argent… tous les problèmes ont trouvé preneur avec ce Jake qui ne sait plus quoi faire de ses journées. Jusqu’à ce que ses problèmes le rattrappent et le poussent à tremper dans des magouilles pas nettes. Un glissement annoncé qui, s’il ne créé pas la surprise, se lit très bien. Le scénario est tout droit sorti des polars hollywoodiens qu’on imagine cultes pour l’auteur. L’aspect super loser du personnage laisse paraître un certain cliché du flic pourri (il doit bien y avoir des flics pourris qui réussissent!?) qui n’est pas très agréable. On aurait aimé une plus grande créativité de l’auteur (on le sent tout à fait capable de surprendre) au lieu de cette satisfaction à faire ce qui a déjà été fait ailleurs, à sa sauce. Il aurait donc été préférable d’éviter un remake… Mais toujours est-il que celui-ci est bien réalisé.
S’il est un domaine où l’auteur ne laisse pas place au remake, c’est celui des dessins. Impossible d’en dire autrement. Son trait surchargé de “crayonnage” fait néanmoins penser à du Plympton avec plus de rondeur. Et plus de couleurs également. Ces dessins sont d’une densité rare et alourdissent l’ambiance générale du polar. Les pages en deviennent presque gluantes. Cela renforce très bien l’atmosphère d’un récit prenant place sous le soleil de Los Angeles. Autant dire un soleil de plomb, assez présent sur les planches. Les techniques graphiques sont riches et variées mais l’effet est peut-être trop intense (un comble!). L’effet répulsif n’est pas loin. On se sent presque coupable de ne pas tenir le coup face à une telle anarchie qui nous bourre les rétines et fait mal au crâne. En résumé, il nous a été très difficile d’apprécier les dessins à leur juste valeur. Mais l’auteur mérite tout de même d’être salué pour son athenticité aigüe qui est largement préférable à tout autre mode d’expression. Pourquoi ne pas avoir poussé plus en amont cette détermination en nous faisant une histoire plus marginalisée des grands écrans du septième art?
Black Jake est donc une BD qui ne laisse pas indifférent et c’est là toute sa réussite. Une BD qui a pris des positions parfois radicales mais que l’on aurait aimé mieux mises en valeur dans le scénario et moins mises en avant dans les dessins…. Tout est une histoire de juste mesure.
E.