Via FiveThiertyEight, j'apprends qu'un sondage montre que les Américians ne mettent plus, loin de là, les préoccupation environnementales au premier plan. L'ennui, c'est que la catastrophe environnementale, elle, ignore ce fait.
Sélection de quelques passages du billet de Nate Silver, traduits par mes soins (merci de me communiquer un éventuel contre-sens) :
[en] When the economy slows down, two things happen. First, less carbon is emitted. Nobody likes to say this in polite company, but a global economic near-depression is probably the single best "program" one could imagine for curtailing carbon emissions. Vehicle miles traveled are down in the United States in spite of significantly cheaper gas prices; industrial production has slowed; China and India are not increasing their carbon usage as fast as anticipated. This presents one small hedge, at least, against the decline in welfare that is otherwise brought about by an economic crisis.
[fr] Quand l'économie ralentit, 2 choses se passent. Tout d'abord, on émet moins de carbone. Ce ne sont pas des choses qu'on dit en société, mais une quasi-dépression économique globale est probablement le seul et meilleur "programme" qu'on peut imaginer pour diminuer les émissions de carbone. Le nombre de kilomètres parcourus aux États-Unis par des véhicules a baissé [(diminution de 1,6 % en décembre 08, par rapport à décembre 07)] malgré des prix à la pompe bien plus bas. La production industrielle a ralenti. La Chine et l'Inde n'augmentent pas leur consommation de carbone aussi vite que prévue. Ceci représente un petit aspect positif, finalement, du déclin de la protection sociale induit par une crise économique.
À l'inverse, les problèmes liés à la couverture santé ont tendance à s'aggraver. Un graphique rappelle que la proportion d'Américains couverts par une assurance privée est passée de 76 % en 1987 à moins de 68 % en 2007. L'auteur rappelle bien que les crises ne sont pas les seules responsables de ça, puisque les gouvernements successifs ont parfois pris des décisions qui ont conduit à ces chiffres. N'empêche, les crises accentuent à chaque fois la baisse du taux de couverture santé.
Il est donc normal que les politiques au pouvoir cherchent à répondre aux préoccupations les plus criantes de la population, remettant à plus tard les choses moins urgentes. Mais, comme le remarque Nate Silver : that "later" may turn out to mean "never" -- and "never" is not an acceptable alternative when we are near so many environmental tipping point...
, en français : ce "plus tard" pourrait devenir "jamais". Et "jamais" n'est pas une solution acceptable quand nous sommes proches de tant de points de bascule dans l'environnement.
Et les points de bascule ou points de non-retour, on les connait : érosion de la biodiversité de plus en plus rapide, sécheresse en Amazonie qui augmente les émissions de CO2, fonte des pergélisols en Sibérie et libération de méthane, fonte des glaces qui diminue l'albédo des pôles et accélère à nouveau le réchauffement global... L'Europe et la France ont hélas mis plus ou moins de côté l'écologie pour régler la sortie de crise. Mais il est probable que la crise environnementale n'attende pas sagement une sortie de crise économique pour nous tomber dessus. Les points de bascule approchent, aidés par les rétroactions positives que j'ai citées plus haut : les effets du réchauffement climatique ont des conséquences qui à leur tour accélère le même réchauffement.
Alors on ne sortira pas de la crise économique uniquement par l'économique. Plutôt que de chercher à redémarrer la machine, il faut carrément changer de machine. C'est tout le sens du Bruxelles de l'emploi (PDF) proposé par Europe Écologie : préparons les emplois de demain, changeons notre économie, améliorons la prise en compte de l'écologie et de l'environnement plutôt que de casser les rares outils simples et compréhensibles.