Indian Runner est inspiré d'une vieille légende indienne sur l'épreuve que doivent passer les jeunes gens pour entrer dans l'age adulte. Joe et Frank Roberts, deux frères jadis très proches, sont a un tournant de leur vie. Joe, fermier raté, est devenu policier. Frank, lui, revient du Vietnam. Joe prône les valeurs traditionnelles de son pays et glorifie la famille. Frank, lui, cherche un sens qui ne soit pas absurde a sa vie et ne peut contrôler ses pulsions de violence. Joe, incarné par Tom Morse, est un homme fiable et loyal, qui veut à tout prix croire que son frère peut lui aussi prendre ses responsabilités et vivre une vie rangée et paisible près de sa famille. Frank / Viggo Mortensen, petit garçon rebelle, refuse de grandir dans ce monde là, troublé par ce qu'il a vécu à la guerre (nous sommes en 68, dans l'Amérique post-Vietnam). Marginal, dur, ses bouffées de violence lui permettent paradoxalement de s'apaiser et de rentrer dans le quotidien. Jusqu'au point de non-retour...
Sean Penn dès ce premier film met en scène ce qui sera le cœur de son cinéma : la peur de la normalité, le refus d'une Amérique bien pensante et de ses valeurs, le libre arbitre et la liberté de penser. Il se révèle très inspiré par le cinéma d'Hopper pour lequel il avait fait l'acteur dans Colors (1988) et que l'on retrouve acteur et producteur de cet Indian runner. On peut également sentir une atmosphère à la Eastwood sous la direction de qui il jouera des années plus tard, rôle qui lui vaudra l'Oscar du meilleur acteur en 2004 pour Mystic River. Le cinéma de Sean Penn restera en marge de Hollywood mais connaitra le succès critique (The pledge, 2001) et public (Into the Wild, 2007).
C'est également Dès cette première réalisation
qu'éclate le plus grand talent de Penn cinéaste : la direction d'acteurs. Tous sont justes, avec une mention spéciale à Viggo Mortensen qui dynamite l'écran, interprétant un personnage rongé par
un mal profond et qui, malgré des moments de tendresse partagée avec son frère ou sa compagne (Patricia Arquette, touchante) est toujours à la limite de l'explosion. Le grand frère tente de
« cadrer » le petit, torturé et autodestructeur. On pense, après la mort du père (Charles Bronson dans sa dernière apparition), que le bonheur n'est pas si loin... Mais le tragique
reprend insidieusement le dessus, jusqu'à l'ultime acte de rage de Frank, une naissance noyée dans le sang.
Le destin des deux frères ne peut se concevoir ensemble, le grand devra laisser s'échapper le petit afin que chacun trouve sa place dans ce monde. Joe, pierre angulaire de la famille, a ranimé le
feu au fond de lui grâce à son frère, le « messager », the Indian Runner, parti courir ailleurs...