Julia est une séductrice et une grande gueule, une femme de tempérament. Mais elle a de plus en plus de mal à cacher son alcoolisme et finit par perdre pied. Une rencontre l'entraîne dans un engrenage infernal qui l'amène à kidnapper Tom, un enfant de huit ans, croyant que la rançon qu'elle exige lui apportera le bonheur. Commence alors une fuite sans issue à travers le sud des Etats-Unis et qui les conduira jusqu'au Mexique. Julia est un personnage déshumanisée, son côté glamour, désintégré par l'alcool, fait d'elle une femme violente, capable du pire pour s'en sortir. Au fil des emmerdes qu'elle doit affronter dans sa course au fric, ses décisions sont de plus en plus limites, voire sordides. Trahisons et mensonges, tout est bon pour ne pas s'effondrer.
Qu'est ce qui fait alors que l'on s'attache à Julia? Tout simplement son interprète, Tilda Swinton, magnifique. Elle s'abandonne complétement à son rôle, donnant corps à l'amorale rouquine. Tout le film repose sur ses épaules et son interprétation, c'est ce qui en fait la réussite. Julia est constamment dans l'action, évoluant dans des paysages de grands espaces, paysages certes beaux mais peuplés de requins, obstacles à son projet. Mais elle n'a peur de rien, peut-être seulement d'elle-même?
Erick Zonca, après le succès fracassant de La vie rêvée des anges, s'était fait discret. En 1999, il réalise Le petit voleur et puis silence... Silence qu'il explique par la gestation du projet Julia. Cinq années de travail sur le scénario, des difficultés pour le financement... Mais au final, Julia a pris vie. Contrairement à ce qui a été dit, Julia n'est pas un remake lointain du Gloria de Cassavetes, même si il est certainement une des influences du réalisateur. Comme pour La vie rêvée... , Zonca magnifie le film par l'emploi de ses actrices qui semblent donner au réalisateur leur corps et leur âme. Malgré quelques longueurs et une dernière demi-heure où l'hystérie de Julia peut être difficile à supporter, Julia est un film fort, aux propos parfois choquants, un film qui bouscule la morale.
Revoir Tilda Swinton dans un premier rôle puissant, aussi fort que son rôle d'Orlando (S. Potter, 1993) où elle traversait les siècles, tour à tour homme et femme, est un vrai plaisir. Même si elle n'a pas été distingué par ses pairs (nommée dans la catégorie meilleure actrice aux Césars), elle n'en reste pas moins une actrice bluffante. A l'instar de Geena Rowlands dans Gloria, son interprétation de Julia a toute sa place dans le bestiaire des femmes à la dérive au cinéma.