Dans La Maison Vide.

Publié le 23 mars 2009 par Mélina Loupia
Peut-être la séance de torture qu'on appelle communément entre nous autres, les ménagères de plus ou moins 50 ans, le ménage m'a-t-elle tuer.

Faut admettre aussi que je me suis réveillée vendredi matin comme si j'avais dormi avec le balai.
Une fois debout, j'ai attendu patiemment que tout le monde lève le camp, mari et enfants, pour faire genre " je vais glandouiller toute la journée, qu'ils croiront et à leur retour, ils me baiseront les orteils de voir que tout rutile et fleure bon le printemps."

J'ai donc feint la flemme ultime.
Accoudée à l'évier du cellier, touillant machinalement d'une main mon café dans ma tasse, grattant la fesse droite instinctivement de l'autre, puisque je ne dispose pas d'une paire de testicules.

Dès que les derniers bruits témoignant d'une présence humaine se sont dissipés dans le matin clair, j'ai tout lâché et me suis emparée de l'artillerie.

Lourde.

Quand à 16h30, l'aîné a passé la porte d'entrée, j'ai planqué le lave-vitres à vapeur sous mon lit, et vidé la bouteille de vinaigre dans la baignoire.

"Ah, tu as fait le ménage? Alors tu as dû trouver un pot de Nutella caché dans la chambre de mon frère?"

Au moins un qui remarque, le seul de la couvée à vrai dire, le ravisseur de Nutella se garderait bien de demander c'est qui qu'a volé son pot de Nut, quant au dernier, il faisait déjà une tête de 6 pieds de long à l'idée qu'on était déjà vendredi soir et qu'après le week-end viendrait inévitablement lundi.
Ne parlons même pas du coupable, je ne fous pas un chiffon ni un poil de balai dans son bureau, le reste ne l'importe que très peu, du moment qu'on chie pas sur la table.

Peut-être alors ai-je été frustrée que tant d'efforts - j'ai tout de même fait mes 8h de ménage - ne soient pas reconnus à juste valeur et qu'on ne m'ait pas embrassé l'hallux.

C'est probablement ainsi que mon subconscient est venu à ma rescousse la nuit dernière en me permettant de faire bouffer glacé ma vengeance à mes coproprios.

En effet, l'intro de mon rêve se présentait comme très réelle, ils partent bosser, je glande dans le cellier.
Je fais le ménage comme une polonaise et ils rentrent.

Et là, c'est le drame.

Ils retrouvent leur chemin, le même qu'ils avaient emprunté dans l'inverse 8 heures auparavant.
Ils retrouvent leur maman et épouse aimante, clones de celles qu'ils avaient eu tant de mal à quitter 8 heures en arrière.
Ils retrouvent leur maison, mais rien à voir avec celle dont ils avaient claqué la porte violemment 8 heures pile poil dans le passé.

"M'enfin mais c'est quoi ce bordel?
-Bordel? Mais quel bordel? Où vous en voyez du bordel?
-Mais justement, putain, qu'est-ce que t'as foutu toute la journée?
-J'ai fait le ménage."

Les yeux délogés de leurs orbites, le nerf optique à nu, comme un élastique distendu sanguinolent, les maxillaires déboîtes contre le pavé et les bras étirés étendus le long du corps si longs que leurs ongles raclaient le carrelage, mes 3 enfants et mon gentil mari étaient au beau milieu de la pièce à vivre.

Du mois, ce qu'il en restait.

L'endroit était tel qu'ils l'avaient laissé le matin même.
Juste à ceci près que plus rien ne traînait nulle part.
Les plantes avaient disparu de leurs pots, pour celles qui avaient réussi à survivre jusqu'alors.
Les bibelots ne trônaient plus sur le buffet.
La corbeille avait été vidée de tous ses fruits blets.
Les coussins et assises du canapé étaient introuvables.
Les télécommandes ne s'éparpillaient plus dans le plateau d'osier sur la table basse.
La télé était éteinte, tout comme les écrans des ordinateurs dans les chambres avaient décidé d'abrutir d'autres cerveaux.
Sur la plaque de cuisson, le wok n'attendait plus d'être rempli.
L'évier rutilait, un trou béant gisait à la place du robinet.
Le four était orphelin de grilles.
La cafetière avait perdu son réservoir.
Le cellier déplorait la perte des tambours des lave et sèche-linge.
La cuvette des WC pleurait sa lunette.
La baignoire son bouchon.
Les brosse à dents se retrouvaient épilées.
Plus de matelas sur les lits, de rideaux aux fenêtres, d'habits dans les placards, de chaussures dans l'entrée.

"Alors, elle est propre la maison hein?"