La médiation: parce que vous le valez bien !

Publié le 23 mars 2009 par Dominique Foucart

Un article “coup de gueule” de Diane Levin sur son blog “Mediation Channel” a retenu mon attention cette semaine. Sous le titre “In mediation we trust:time to stop devaluing our services as mediators” (La médiation j’y crois: il est temps d’arrêter de dévaluer nos services de médiateurs), Diane soulève bien un problème clé de notre métier. Comment mettre en évidence le professionnalisme de médiateurs quand c’est le travail des bénévoles du secteur qui est toujours mis en avant ?

Crédit photo : Guido "Random" Alvarez/FlickR

La situation de la médiation de ce point de vue n’est guère différente de ce côté-ci de l’Atlantique. Nous voyons régulièrement dans la presse des articles sur le rôle d’un médiateur souvent bénévole pour résoudre un problème dans un quartier ou une école, la médiation familiale est proposée dans certains planning familiaux ou certaines “maisons familiales” à des tarifs proches de 0 euros (j’entends régulièrement parler de 5 ou 10 euros). Et cela en dehors de toute considération d’état de nécessité de la part des parties.

Quand des médiateurs se réunissent en forum et discutent de leur rémunération, j’entends presque toujours le même discours: nous n ‘osons pas demander une rémunération qui nous permettrait de vivre de notre métier.

En fuyant notre responsabilité de facturer nos services à un juste prix, nous creusons la tombe de la médiation.

Je ne suis pas en train d’affirmer que le médiateur doit devenir un être vénal qui tire un profit maximum de sa gestion des conflits (ce qui pourrait bien entendu paraître cynique…). Je prétends par contre que tant que la rémunération des médiateurs ne sera pas structurée de manière à permettre à de professionnels de haut niveau d’en vivre décemment, elle n’a aucune chance de se développer comme véritable alternative aux solutions judiciaires.

Pour cela, il est indispensable que nous nous mettions finalement explicitement ou implicitement d’accord sur un certain nombre de principes, et je pense en particulier à une structure de prix adaptée aux moyens des clients et à la compétence des médiateurs.

Des prix adaptés aux moyens des clients

Sur ce point, je pense que tant les planning familiaux que les administrations publiques doivent revoir leurs copies afin de s’assurer que les personnes dans le besoin continuent d’avoir accès à la médiation (tout comme elles doivent avoir accès à de bons services juridiques et psychologiques subsidiés), mais que dans le même temps, les personnes disposants de moyens raisonnables soient renvoyées vers des professionnels pratiquant des honoraires libérés.

Comment est-il possible de croire que quelqu’un va s’engager réellement dans un processus, et pourra respecter le cadre imposé par le médiateur, en s’investissant pleinement dans la recherche de la solution si cela ne lui coute rien ? J’ai personnellement pu voir le résultat d’un dialogue dans lequel des clients m’expliquent qu’ils trouvent la solution de médiation couteuse, et ou cette remarque permet d’initier une véritable réflexion de leur part sur les enjeux. Est-il normal, en médiation familiale par exemple, d’être choqué par le fait que prendre le temps de décider de tout ce que sera la vie d’une famille après une séparation coûte aussi cher qu’un city-trip pour deux ?

Rémunérer la compétence du médiateur

Le médiateur (en tout cas en matière familiale, civile et commerciale ou sociale) est aujourd’hui en Belgique une personne qui a suivit une formation de troisième cycle de type long, qui s’investi en permanence dans la formation continuée, qui doit financer ses propres supervisions. Pourquoi devrait-il être le plus mal rémunéré des intervenants dans les conflits ? Quelle est la logique qui justifie que celui qui va - souvent seul - effectuer le travail de modération, reformulation, conciliation, catalyseur de créativité qui est dans et autour du prétoire effectué par une kirielle d’avocats et de magistrats soit moins bien rémunéré que n’importe lequel de ceux-là ?

Lorsque j’ai porté mes honoraires au niveau où ils sont aujourd’hui (qui est encore bien inférieur à ce que serait ma rémunération dans un rôle “contradictoire”), j’ai effectué une hausse de 20% de mes tarifs. Le résultat n’a pas été une perte de clientèle, bien au contraire. Et ce ne sont pas des “plus riches” qui se sont substitués à des “plus pauvres”. par contre, je sais maintenant que quand je m’assied avec des clients dans mon cabinet, les deux heures que je vais y passer seront rémunérées décemment. Cela m’enlève un “stress de fond”, celui de ne pas pouvoir respecter mes engagements vis à vis des miens. Cela me permet d’être plus à l’écoute et mieux centré sur mes clients.

Je voudrais terminer cet article en citant à nouveau l’article de Diane Levin: (traduction personnelle, c’est moi qui souligne)

Quand le travail bénévole deviendra-t-il la louable contribution que les médiateurs font dans leur temps libre au lieu d’être la norme à laquelle tout le monde s’attend? Quand allosn-nous résolument affirmer que notre travail a de la valeur et que toute travail générant de la valeur mérite salaire? Quand allons nous commencer à agir pour démontrer que nous croyons vraiment en ces affirmations ?