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Le pape et la meilleure presse du monde

Publié le 22 mars 2009 par H16

La Fraônce dispose d'un privilège rare : celui de disposer de la plus belle presse du monde. Elle fait très consciencieusement son travail, relaie une information de qualité et tentera toujours la neutralité et la mesure dans la présentation de faits avérés. Elle ne se jettera pas sur la moindre polémique, se gardant ainsi de monter en épingles des épiphénomènes, ne jouera pas des coudes pour faire passer des idées bien marquées pour alimenter la controverse et montrera toujours les deux côtés d'une polémique et respectera ainsi chaque opinion en présence. Eh oui : la presse française, c'est tout ça : un concentré de journalitude !

Quand on a que des bouts de ficelles, un salaire de misère et une vie trépidante, il est difficile de faire du bon journalisme. C'est pourquoi la Fraônce, pays de cocagne où les budgets équilibrés se succèdent aux excédents commerciaux, a décidé de distribuer avec largesse l'argent du contribuable, qu'on sait désireux de conserver les talents journalistiques qui se bousculent aux rédactions nationales, véritables viviers remplis de petits Carl Bernstein ou Bob Woodward.
Cette presse dispose donc, rappelons-le, de ces quelques facilités :

Quasi-dispense de TVA ; (...) Généreux abattements d'impôts consentis aux journalistes ; (...) réductions tarifaires de la SNCF ; aide à la modernisation des diffuseurs ; aide à l’impression décentralisée des quotidiens ; fonds d’aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l’étranger ; aide au portage de la presse quotidienne d’information politique et générale ; aide aux publications hebdomadaires régionales et locales ; aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale ; fonds d’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires ; fonds d’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces ; fonds d’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse ; fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale et à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale ; tarifs postaux préférentiels ; régime spécial des provisions pour investissements ; exonération de la taxe professionnelle des éditeurs et agences de presse ; régime dérogatoire des taux de cotisations de sécurité sociale des vendeurs-colporteurs et des porteurs de presse ; calcul spécifique des cotisations sociales des journalistes ; statut social des correspondants locaux de presse.


Comme on peut le voir, de la menue monnaie. Car en effet, la qualité générale des productions de la presse fraônçaise n'arrêtant pas de grimper, le lectorat se précipite sur les gazettes dont le chiffre d'affaires ne cesse de croître. Dès lors, on comprend que cette presse ne soit plus à l'affut des scoops vasouillards, comme le furent jadis les médias peoples et paillette comme Libération Voici.
Alors, quand cette presse, aux qualités maintenant mondialement reconnues, se jette sur un fait divers et le relate en long, en large et de travers, pas de doute : il s'agit bien là d'informations d'une importance capitale pour le lecteur.
Rappel des épisodes précédents : le Pape déclare un truc. Comme c'est le Pape, que c'est sur les préservatifs, immédiatement, la presse s'en empare. En France, on attaque directement par la traduction AFP des déclarations, qui s'empresse (notez ici le verbe au singulier, 3ème personne) de déformer les propos. On passe ainsi de "On ne peut résoudre le problème du SIDA par la distribution de préservatif qui aggrave le problème" (notez ici le verbe, au singulier 3ème personne) à "On ne peut résoudre le problème du SIDA par la distribution de préservatif qui aggravent le problème" (notez ici le verbe, qu'un crétin scribouillard de journaliste a écrit au pluriel). On me dira : tut tut, ce n'est pas possible. Et pourtant, on trouvera ici une capture du fil AFP où la faute est présente, et ici une capture d'un article du Wall Street Journal où, orthographiquement, le doute n'est pas permis ; en anglais, ça donne "You can't resolve AIDS with the distribution of condoms. On the contrary, it increases the problem." - notez le subtil singulier (l'article complet est ici).
La grammaire étant la deuxième mamelle, après l'exactitude, à laquelle s'abreuvent les journalistes français, on reste perplexe.
A partir de là, c'est l'hallali.
Tout le monde se rue sur son petit clavier et pond, vite fait mal fait, un article dénonçant ce pape obscurantiste qui se déclare contre le préservatif. Bah. Business as usual jusque là. Evidemment, les éternels indignés du latex se saisissent de l'affaire et décident de faire un coup médiatique. Tous nos vaillants journalistes étant acquis à la cause, nos bouillants associatifs n'auront pas de mal à les trouver au rendez-vous lors d'une distribution de préservatifs, forcément festive et citoyenne, à la sortie d'une messe sur le parvis de Notre-Dame. Voilà qui est de bon goût, et tout à fait dans l'optique d'apaisement de ces individus.
S'en suit ce qui devait s'en suivre : les gentils militants se font molester par les méchants extrémistes de droite, armés de leurs chants en latin anti-gauche.
Et nous entrons à présent dans ce qui motive le billet : la façon étonnante dont sont relatés les événements. Pour plus de sureté, j'ai conservé les captures d'écran des articles qui promettent de pas mal varier dans le temps (comme par exemple celle-ci du NouvelObs, déjà parti en guerre ouverte, que dis-je, en croisade contre le Pape avec sa pathétique pétition).
Que découvre-t-on ? Que d'un côté, il y avait des jeunes catholiques qui deviennent très vite des militants d'extrême-droite, que de l'autre, il s'agit d'écologistes et de communistes. Eh oui. Le communisme, ce n'est pas l'extrême-gauche. Voilà qui en dit long sur le glissement politique de la France.
On découvre que les pov'militants se sont fait insulter (oh !) alors qu'ils ne faisaient rien de méchant. Chacun sait que crier, au sujet du pape, "écoutez cet homme, soyez séropo", ce n'est pas choquant ni insultant. Il est donc normal que les uns braillent, devant le lieu de culte, et que les autres encaissent, sans broncher.
On découvre que distribuer des préservatifs sur le parvis d'une église à la sortie d'une messe, c'est une opération banale qui ne mérite aucun commentaire particulier, voire un soutien compassé, mais qu'en revanche, chanter des cantiques en latin doit être absolument rapproché de l'extrême-droite. D'ailleurs, le latin est anti-gauche, tout le monde le sait, et le cantique une arme de déstructuration massive.
Enfin, on découvre que pour bien boucler un article d'actualité qui va au fond des choses, on doit le terminer par un petit rappel des "propos" du pape, qui déclare, c'est vérifié, c'est AFP, c'est du solide : On ne peut pas régler le problème du sida avec la distribution de préservatifs : au contraire, leur utilisation aggrave le problème.
Le pape et la meilleure presse du monde
Le bikini devant les mosquées : prochain challenge du PCF ?
Et maintenant, quelques questions :

  • Si les préservatifs sont si utiles à l'Afrique, pourquoi aller distribuer les précieux tubes de latex à des gens qui n'en veulent manifestement pas ? Pourquoi ne pas aller là où c'est utile ? Ah oui : faire le zouave et le fier à bras en France, c'est pour les militants d'extrême-gauche communistes. L'aide concrète, on laissera ça aux bigots.
  • Si distribuer des préservatifs devant une église, c'est tout d'un coup Hype & Fashion et super-courageux, pourquoi ne trouve-t-on pas ces mêmes "militants" à distribuer des préservatifs, ou des bikinis, en scandant des slogans anti-islamistes radicaux, devant les sorties des mosquées des quartiers chauds de Marseille, Lyon ou Paris ?
  • Où est l'indignation et le relai de presse tonitruant lorsqu'on parle d'autres religions, d'autres moeurs, dans d'autres pays ? Certes, un professeur de l'Athénée de Bruxelles, ça en jette moins que le Pape, mais... n'y aurait-il pas discrimination dans le traitement ? Que fait la HALDE ?
  • Pourquoi la presse, finalement, semble surprise que des gens ne pensent pas comme elle ?
  • Enfin, pourquoi ne trouve-t-on pas (ou alors, très très difficilement) dans cette même presse l'opinion pourtant cruciale de Edward Green, directeur du Projet de Recherche sur la Prévention du SIDA à l'Université de Harvard, et qui dit clairement : The pope is correct, or put it a better way, the best evidence we have supports the pope’s comments. (...) Condoms have been proven to not be effective at the ‘level of population.’” ?

Pour la bonne bouche, je vous mets un petit paragraphe de Green, qui a donc quelques notions scientifiques et une vague idée de ce qu'est le SIDA :

“There is, a consistent association shown by our best studies, including the U.S.-funded ‘Demographic Health Surveys,’ between greater availability and use of condoms and higher (not lower) HIV-infection rates. This may be due in part to a phenomenon known as risk compensation, meaning that when one uses a risk-reduction ‘technology’ such as condoms, one often loses the benefit (reduction in risk) by ‘compensating’ or taking greater chances than one would take without the risk-reduction technology. (...) I also noticed that the pope said ‘monogamy’ was the best single answer to African AIDS, rather than ‘abstinence.’ The best and latest empirical evidence indeed shows that reduction in multiple and concurrent sexual partners is the most important single behavior change associated with reduction in HIV-infection rates (the other major factor is male circumcision).

Une dernière question : en tenant compte que des bloggeurs non-rémunérés arrivent à produire ce que des journalistes, payés pour, ne font pas l'effort de produire, combien de temps croyez-vous que la presse française va continuer à débiter d'énormes conneries ?

Voilà quelques questions bien terre-à-terre, mais qu'on a bien du mal à trouver dans la presse, ces temps-ci.

Un pays a la presse qu'il mérite. Avec des subventions massives, un tropisme fortement gauchiste, des polémiques basées sur la désinformation et le traitement hémicéphale des problèmes, la presse française ne vaut plus un pet de lapin.

Ces journalistes sont foutus.


Liens vers les machins-trucs journaloïdes :


Sur le même sujet, allez voir les billets de mes confrères kiwi : Toréador et Pensées d'Outre-Politique.


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