Nous croyions être en avance, mais fait étrange, il n’y avait personne dans le hall du théâtre des Arts, que des jeunes gens en noir. Le spectacle avait commencé vingt minutes plus tôt. Les jeunes gens austères nous accompagnèrent avec force excuses et recommandations tout au fond du deuxième balcon, et nous entrâmes sous les applaudissements, tandis qu’Olivier Saladin quittait la scène envahie de paperasses, où il venait de lire quelques lettres d’Erik Satie.
La musique de Satie, interprétée par Alexandre Tharaud, s’éleva sans encombres jusqu’à nous, aérienne et rêveuse, parfois enjouée.
Après l’entracte, c’est un Satie plus canaille qui revint sur scène, le pianiste de cabaret, celui qui mit en musique d’hilarantes chansons contant la visite du petit père Combes chez le docteur, lequel lui ouvre le ventre et y fait de répugnantes découvertes ; ou les mésaventures de l’époux de Chochotte.
Et, sous les traits encore d’Olivier Saladin, revint le professeur foldingue qui nous expliqua ("Je ne vous ferai pas une conférence...") comment organiser les cours de piano des enfants sensibles à la musique (il faut s’assurer que le professeur de piano vient bien dispenser son cours à l’heure où le jeune élève vient le recevoir, sans ça les deux ne se croiseront pas et l’enfant ne fera aucun progrès) et s’interrogea sur la musique des animaux, encore mal connue – ce qui ne l’empêcha pas d’entonner un virtuose couplet miaulant-grognant.
Bref, une sorte de spectacle total, drôle et délicat, pour découvrir toutes les facettes et tous les talents de Satie. Et sa correspondance, réunie dans un gros volume, est absolument délicieuse à picorer, pour rester dans la métaphore animale.