Présentation de l’éditeur :
"Eh bien ! on sera seul. Et vous pouvez le faire sonner et résonner, ce petit mot. Ecoutez sa cruelle musique. Seul. Seul. Seul. Seul. Tout seul. Ça ne sonne pas faux. Ça sonne dur. Ça sonne plein. Seul : on ne pense pas pour toi, tu penses pour toi. Aucun secours à attendre. Tu as opté pour le moins commode. La pensée n’est pas un fauteuil. Tu marcheras seul dans ta force. Dans ta faiblesse aussi. Tu t’assiéras seul sur les tas de cailloux. Tu panseras seul les plaies de tes pieds - tu penseras seul les plaies de ta vie. Seul.". Ces abandons à la poisseuse déprime, ces décharges d’exaspération remontent aux années 35 à 50. Années de tristesse, de mensonge et de détention (en camp). Ces feuilles violentes s’abandonnent, mortes et glissantes, sous les pas. Le monde d’Hyvernaud : de trop petites gens qui s’étriquent et se moisissent un rebut de vie à eux. Reste à mettre entre eux et lui quelques mots, échappés à la littérature, cet art de farder son fardeau. Hyvernaud invente l’aphorisme-fleuve : une toute petite phrase, pressée, triturée, peu à peu vide son jus, son sens. « Ça m’aurait plu », « Me suis peint en raté », « Je ne sais pas penser » : dérisoires fendilles par où le désespoir gicle son encre. Et puis : « Pour nous, il est trop tard. Nous avons pris nos plis. Nous ne nous défriperons plus. »
Rien n’échappe à l’œil perçant d’Hyvernaud. Il porte sur nous, sur le monde et sur lui-même un regard distant et ironique, et, même si cela semble souvent grinçant et désabusé, on sent poindre derrière une certaine tendresse, une certaine compassion.
« Je ne sais même pas pourquoi j’écris tout ça. Mettons que j’écris comme les autres jouent au bridge ou font des mots croisés. Pour tuer le temps. Mais il a la vie dure, le salaud. » p.51
« Ecrire, c’est encore ce que je fais de moins mal. Ressource d’infirme. Les écrivains sont probablement tous ainsi, les vrais. Pas étonnant qu’ils se fassent rouler… » p.61
« Ils ont raté pas mal de choses. A peu près tout, si on regarde bien. Mais ils ont réussi à devenir vieux, c’est appréciable. Surtout si on tient compte de toutes les ressources de la civilisation pour abréger l’existence de l’être humain. » p.115-116
« […] pour le lecteur la fonction et la justification du livre est non de divertir, mais d’avertir. De nous secouer et de nous éveiller, et de nous coller de force la face contre la réalité de l’homme et la réalité du monde. » p.170-171
Editions Le Dilettante - 178 pages