J’ai perdu plusieurs amis, victimes du Sida. Ils étaient jeunes, et j’ai beaucoup pleuré leur disparition, trop rapide, trop injuste, trop bête. Je ne suis pas forcément transporté par les effusions du Téléthon, du Sidaction, et des autres manifestations médiatiques qui jouent un peu trop le rôle du cataplasme sur la jambe de bois de l’abandon de la recherche, du recul des pouvoirs publics. Mais pourtant, je pleure quand j’entends cette petite chanson de rien du tout de Pascal Obispo, chantée en relais par une quarantaine de ses congénères. Le Sida nous a changé, depuis 25 ans, il nous a fait considérer différemment le sexe, la différence, les pratiques à risque. Il nous a rendu plus solidaires, plus attentifs. Mais le combat est loin d’être fini. Les chiffres continuent de nous glacer les sangs.
En France, 20 nouvelles personnes sont contaminées chaque jour, 150.000 personnes sont porteuses du VIH, soit un peu moins que la population de Lille (180 000 habitants). Leur âge moyen est de 41 ans. Les femmes représentent 58% des nouveaux diagnostics d’infections parmi les personnes contaminées par rapport hétérosexuel.
Mais surtout, aujourd’hui, le Sida est LA maladie de l’Afrique sub-saharienne. C’est le premier foyer d’infection, avec 67% de la population mondiale infectée, dont près de 90% des enfants touchés dans le monde. Seulement 1,3 millions de malades des pays pauvres bénéficient de traitements.
Et les explications embarrassées de l’Eglise ne parviendront pas à me faire oublier l’incroyable aveuglement du pape Benoit XVI juste avant qu’il ne se rende en Afrique. J’ai infiniment de respect pour tous les croyants, et notamment les catholiques dont je suis un fils qui ne renie rien. Mais là, je pense aux visages des malades que j’ai accompagnés, aux orphelins de l’Afrique dont personne ne voudra et je trouve que le dogmatisme est non seulement déplacé, mais aussi coupable.