Lu dans Présent sous la plume de Jacques Tremolet de Villers :
Ce spectacle est magnifique. Il est, pour nous, en ce carême qui est aussi un printemps, beaucoup plus qu’une leçon. Ce geste est la source d’une immense espérance temporelle. Rien n’est fécond comme la charité. Il est normal que les forces de haine hurlent et il est normal que ces hurlements soient, comme le souligne le Saint-Père, qui allie à l’innocence de la colombe la prudence du serpent, venus d’abord du monde catholique, « des faux frères », ajoutant, avec une souveraine ironie, que « ». La tempête inouïe, « une discussion d’une véhémence telle qu’on n’en avait plus connu depuis longtemps » est le fruit vénéneux de la colère de Satan.
Le démon ne siège pas au sommet des complots mondains médiatiques. Il n’a pas besoin de s’en occuper. Les choses se font toutes seules. Comme dans la chanson de Brel, il se contente de dire « ça va » ! Là où il déploie toute son énergie maligne, c’est bien dans l’Eglise. « J’ai été peiné que, même des catholiques qui, au fond, auraient pu mieux savoir ce qu’il en était, aient pensé devoir m’offenser avec une hostilité prête à se manifester. » Lisons bien. Chaque mot compte. En effet, ils étaient à l’affût, les loups entrés par effraction dans la bergerie, et ils se sont précipités pour « mordre et dévorer », comme dit saint Paul, sans exagération rhétorique, dans l’épitre aux Galates. Ce déchaînement infernal est la vérification expérimentale de l’origine mariale et divine de la démarche du Saint-Père. A la façon de Jésus-Christ, son vicaire passe en guérissant les lépreux, et les démons, sur le chemin, crient qu’ils l’ont reconnu.
Mais pourquoi l’espérance temporelle ? Parce que ce geste d’unité est prophétique et que les fruits sociaux et politiques en découleront, si nous le voulons bien. Notre univers en crise cherche un phare, une lumière qui, à la splendeur du Vrai, allierait la douceur du Bien. Il fallait donc que l’Eglise, avec la personne du Saint-Père, donnât l’exemple en allant, publiquement, vers les vrais exclus, les vrais marginaux, le groupe qui n’a droit à aucune tolérance. Même l’outrance inadmissible de Mgr Williamson était utile. Car, sans cette faute, de quoi se serait nourrie la colère ? Et sans cette colère, et la complicité des faux frères, aurions-nous eu la grâce de cette lettre aux évêques du monde entier ?
Il ne fait pas bon s’attaquer à Benoît XVI. Ce doux est un fort. On peut donc prédire qu’« il possédera la terre ». Loin de lui inspirer la peur, la tempête médiatique lui a donné l’occasion d’approfondir sa démarche, de mieux mettre en valeur la portée de son geste, de préciser sa position à l’égard du Concile, de la Fraternité Saint-Pie X, de nos amis juifs, des « faux frères », et de donner, avec délicatesse, sourire et fermeté à René Girard, le philosophe du bouc-émissaire, qui s’était laissé aller à signer un texte scandaleux contre lui, une douce et sévère leçon. A l’exemple de saint Paul, Benoît XVI agit « toujours en instruisant ». (II Timothée, 4, 2).
Allons-nous nous contenter d’applaudir ? Ou bien, à notre place de laïcs, selon nos talents et nos engagements, nous mettre à son école ? Il n’y a pas que la société des âmes qui ait besoin d’unité, d’œcuménisme et de charité. Les excommunications, non canoniques mais très efficaces, fonctionnent à plein régime dans la société politique.
Et si quelques-uns, habités du désir de la même douce fermeté, se faisaient les apôtres de la nécessaire amitié française ?"