Deux jeunes filles, âgées à l'époque de 16 et 19 ans, furent arrêtées pour leurs liens supposés avec le PKK (Parti des Travailleurs Kurdes). Elles auraient subi, à cette occasion, de graves mauvais traitements dont des atteintes de nature sexuelle. Les policiers soupçonnés de ces faits furent poursuivis sans que ceci débouche sur leur condamnation (à la différence des jeunes filles, condamnées à 12 et 18 ans d'emprisonnement).
La Cour européenne des droits de l'homme fut confrontée à la traditionnelle difficulté de preuve des traitements inhumains et dégradants (Art. 3).
Elle réaffirme l'intérêt du standard probatoire " au-delà de tout doute raisonnable" (" the standard of proof "beyond reasonable doubt" " - § 76) pour estimer ensuite que la convergence de divers éléments peut étayer une présomption ou un soupçon " raisonnable" de réalisation des faits allégués (" the consistency of the applicants' submissions, the seriousness of their allegations, their ages at the time of the events and the medical reports [...] raise a reasonable suspicion that the applicants could have been the subject of ill-treatment, as alleged " - § 78). A cette occasion, la Cour apporte d'intéressantes précisions quant aux examens médicaux pratiqués sur les personnes détenues. Après avoir souligné l'importance de ces examens comme garantie essentielle contre les mauvais traitements et " partie intégrante du système judiciaire" (" the medical examination of persons in police custody constitutes one of the most essential safeguards against ill‑treatment [and] is an integral part of the judicial system " - § 79), les juges européens relèvent en l'espèce que les examens pratiqués immédiatement sur les requérantes et qui ont réfuté les mauvais traitements ne respectaient pas, notamment, les standards du Comité de Prévention de la Torture ainsi que ceux du droit turc lui-même (§ 80).
Plus encore, la réalisation de " tests de virginité" (" virginity test " - § 88) sans le consentement écrit des requérantes est qualifié par la Cour de " traitement discriminatoire et dégradant". Dès lors, les juges admettent la pertinence d'autres examens médicaux pourtant réalisés un à cinq ans après les faits mais dans des conditions conformes à ces standards nationaux et européens. En effet, la Cour accepte que le constat de graves troubles psychologiques des requérantes vienne étayer la preuve des mauvais traitements (" it should have been possible to detect the ill-treatment which had such long-term psychological effects on the applicants during their medical examination on leaving police custody " - § 97).
La Cour condamne donc la Turquie pour une double violation de l'article 3 : au plan substantiel, au regard des mauvais traitements pratiqués sur les requérantes mais aussi au plan procédural, du fait de l'absence d'enquête effective et suffisamment rapide sur ces faits (§ 102).