Pour donner envie ?

Publié le 22 mars 2009 par Clarabel

« Quand on arrive, on dit ouf. On dit enfin. On se sent rescapé de la route. Survivant. Des dizaines de morts en un week-end, et des blessés, des estropiés de la vie... pas nous, pas moi.
Pas cette fois ; c'est toujours ça. Pourtant... l'autoroute, les accidents, les fous du volant... ce n'était pas l'occasion de se tuer qui manquait. On l'a échappé belle, en un sens. Et dire qu'il faudra repartir, refaire le chemin dans l'autre sens. Braver tous les dangers, l'autoroute, les accidents, les fous du volants ; survivre peut-être ; peut-être pas.
Alors autant en profiter, maintenant qu'il est temps. On se dit ça tous les ans : c'est les vacances, profitons-en.
D'abord appeler maman. Elle se fait du souci, vous savoir sur la route, mes enfants, je ne vis plus ; s'il vous arrivait quelque chose, ce serait terrible pour moi. Pour moi aussi, maman. Si je mourais, ce serait terrible. Irréversible, pour ainsi dire. Je ne m'en remettrais pas, moi non plus... On le pense dans sa tête, mais on ne le dit jamais à maman. On lui dit : Ne t'inquiète pas, je te passerai un coup de fil en arrivant.
Donc on le fait. Maman est rassurée qu'on soit vivant ; ça se comprend.
On pose les bagages. On prend possession de la location. On regarde partout. On apprivoise l'endroit. Ce sera chez moi pour un mois. Drôle d'idée.
D'un coup ça nous tombe dessus. On se rappelle pourquoi on a choisi d'aller si loin. La chaleur. Avoir chaud, on est là pour ça. L'hiver est si long par chez nous, si gris. On veut du chaud et du soleil. De la lumière. Et ne rien faire.
(...)
Voilà, on s'habitue. La chaleur, le soleil, la mer. Ne rien faire. Pour changer, parfois on va à la piscine ; mais ça ne change pas. On se baigne, on bronze ; on bronze, on se baigne ; ou inversement.
(...)
A force de chaleur, allongé, les yeux fermés, on oublie d'oublier. Alors on prend de grandes résolutions ; des résolutions pour la rentrée. Si on rentre.
Arrêter de fumer, arrêter de boire, arrêter de se coucher tard, arrêter de manger des cochonneries... on a toujours des choses à arrêter. Arrêter de penser à ce qu'il faut arrêter ; on y repensera au nouvel an. Si on est encore vivant.
En attendant, en profiter.
(...) »

- les vacances

Extrait de Maison Buissonière d'Isabelle Minière (éditions delphine montalant)

Merci Laure pour le prêt !  (lisez son avis!)