Certes, la stratégie de lancement et de programmation de NBC ne fut peut-être pas la plus opportune pour réussir son pari d'introduire dans les habitudes des téléspectateurs sa nouvelle série, dont l'ambition est de transposée un récit biblique dans une réalité moderne alternative. Si les audiences ont été sans pitié, c'est assez dommage que Kings apparaisse déjà presque condamnée après un premier épisode pourtant intriguant qui a su éveiller mon intérêt. Le format de mini-série aurait peut-être plus convenu pour une histoire déjà écrite et aurait donné plus d'assurance que l'on obtienne une fiction complète, avec un début et une fin.
Diffusée sur : NBC (Etats-Unis)
Depuis le : 15 mars 2009.
C'est avec qui ?
Christopher Egan (Vanished), Ian McShane (Deadwood), Allison Miller, Sebastian Stan, Michael Patrick Crane, Joel Garland, Jason Antoon, Sarita Choudhury.
Ca parle de quoi ?
Le Royaume de Gilboa est en guerre. Au front, David, un jeune soldat idéaliste, sauve la vie du fils du roi. Il est alors introduit dans les coulisses de la capitale du Royaume, auprès du roi Silas, au sein d'une Cour où les jeux de pouvoir se déroulent sans pitié.
Et alors, ce pilote ?
Le pilote de Kings nous plonge dans un univers alternatif, s'ouvrant sur un jour d'inauguration et de fête populaire. Entre institutions évoquant un autre âge et décors modernes, le cadre du Royaume aux papillons est tout de suite posé par un grand discours télévisé de son roi, Silas. La réalité de la guerre reprend cependant très vite le dessus sur ces festivités. David Shepherd, plus jeune fils issu d'une modeste famille qui a déjà payé un lourd tribut aux élans guerriers du pouvoir, se retrouve à son tour confronté aux combats. Un jour, une unité de soldats de Gilboa tombe derrière les lignes ennemies, et deux de ses membres sont capturés. Le principe de non négociation d'otages est clairement opposé. Aucune exception... même si le prince héritier fait partie de ces prisonniers. Ignorant ces enjeux qui crispent la capitale, David mène spontanément une opération de sauvetage, qui lui permet de ramener à bon port les deux soldats. La présence du prince Jack lui permet d'éviter la cour martiale. Au contraire, il se retrouve propulsé à parader dans la capitale du Royaume, Silas souhaitant tout autant le remercier que l'instrumentaliser aux yeux d'un peuple lassé par une guerre qui ne semble pas pouvoir finir.
L'effort de construction de cette réalité alternative ainsi mise en scène constitue l'originalité principale d'une série qui se réapproprie rapidement les codes d'un soap politique se déroulant au sein des coulisses du pouvoir. Souvent démeusuré, ne manquant pas d'une certaine grandiloquence revendiquée, le ton de l'ensemble parvient à bien retranscrire le dualisme de cet univers particulier aux jeux de pouvoirs universels, placés sous une forte symbolique religieuse. Si la personnalité du roi Silas révèle rapidement des desseins pragmatiques nourris d'arrières-pensées, chacun des personnages s'approprie les codes du genre pour incarner un rôle clairement défini, relativement stéréotypé (pour le moment du moins). Les manoeuvres d'un Silas calculateur feraient finalement presque pâle figure à côté des menaces de son beau-frère, puissant homme d'affaire retors ayant parrainé l'ascension du roi actuel et qui exploite la guerre à son propre bénéfice. Les rôles au sein de la famille royale sont rapidement distribués de la même façon. Il y a la jolie princesse idéaliste qui n'est pas insensible au héros. Il y a également l'héritier légitime du trône, un prince hédoniste quelque peu inconséquent, que Silas recadre au cours d'un dialogue assez cruel en condamnant l'homosexualité de son fils. Il y a aussi la reine, qui officiellement ne se mêle pas de politique, mais qui semble n'avoir pas son pareil pour manipuler sans avoir l'air d'y toucher. Et ainsi de suite... Si la recette n'a rien d'original, cet ensemble connu convainc. Reflet d'une certaine part de manichéisme, David émerge de ces basses manoeuvres avec l'image idéale du héros. Il découvre émerveillé la capitale ; il oppose rapidement ses propres valeurs et une forme de simplicité spontanée qui tranchent avec les protagonistes qui l'entourent. Mais idéalisme ne rime pas forcément avec naïveté, et l'on devine qu'il apprendra rapidement les réels enjeux à l'oeuvre au sein du pouvoir, sans pour autant se compromettre. Enfin, une touche de légèreté bienvenue est apportée par deux soldats de la garde royale, sorte de duo improbable à la Laurel et Hardy.
L'enjeu de Kings est immédiatement et clairement posé. C'est l'avènement d'un nouveau roi, l'ascension d'une nouvelle figure, que la série nous propose de nous conter. Une figure non compromise dans ces coulisses perverties. Il n'y a pas d'ambiguïté sur le futur de David. Non seulement parce que l'histoire a déjà été écrite, mais surtout parce que tout dans la présentation du personne nous indique que c'est à un parcours initiatique que l'on assiste. Sa recherche de conclusion d'une paix n'en est que la première pierre symbolique. Là où Silas est forcé de compromettre l'aspiration de son peuple aux intérêts financiers de son beau-frère, David suit les bonnes priorités. Plaçant l'intérêt général au-dessus. Kings use et abuse de symboles visuels et religieux qui se justifient pleinement étant donné la nature du récit dont elle est l'adaptation. Pour être certain de ne laisser aucune place au doute, le pilote se termine même sur une scène de couronnement symbolique, où des papillons, emblèmes du Royaume de Gilboa, se posent sur le jeune homme et forment une couronne éphémère de papillons sur sa tête. Aucune ambiguïté n'est donc laissée sur le destin de David ; le risque étant peut-être de se complaire dans un manichéisme trop tranché qui pourrait devenir à terme répétitif et faire perdre sa saveur à ces élans excessifs.
S'il peut desservir un récit quelconque, ce style de narration convient cependant à une adaptation d'une histoire biblique. Les références religieuses et ces excès de symbolique sont suffisamment légitimes pour ne pas alourdir ou amoindrir trop le scénario. Cela vient naturellement et évite toute impression poussive la majeure partie de l'épisode. Cependant, l'écueil n'est pas toujours évité ; et parfois, certains éléments -comme la réaction de David sur le champ de combat à la fin- vont un peu trop loin et apparaissent vraiment too much, occasionnant une certaine réticence auprès du téléspectateur. Mais l'ensemble demeure cohérent. Une fois immergé dans ce long épisode d'1h30, on reste bien ancré dans l'ambiance tout le long du pilote, sans décrocher.
La transposition d'un récit issu de l'Antiquité dans un décor moderne se fait finalement sans trop de difficulté. De l'histoire originelle, quelques éléments ont été re-écrits ou bien adaptés, notamment relativement au prince héritier, Jack, qui semble s'imposer comme un des opposants principaux de David, alors dans la Bible, Jonathan est un soutien majeur de David. (Je vous épargne les controverses concernant la nature de leur relation ; les scénaristes semblent en avoir retenu une partie puisque Jack est gay.) Mais il est sans doute plus opportun que les scénaristes se réapproprient pleinement l'histoire pour mieux la romancer et ainsi la raconter. Et puis, il faudra voir comment l'ensemble évolue (si cela a le temps d'évoluer, au vu des audiences...). A noter aussi que Goliath est devenu un char d'assaut dans cette version moderne !
Sur la forme, cet épisode nous propose une belle réalisation soignée et plutôt classe, avec en toile de fond une capitale fictive filmée à New York et des tas de papillons. Comme sur le fond, on ne lésine pas sur les effets de style, plus ou moins opportuns suivant les scènes, mais globalement légitimes. Par ailleurs, le casting est dans l'ensemble solide, même si un acteur sort particulièrement du lot : Ian McShane, formidable, épatant, écrasant ses scènes par son charisme et à couvrir de superlatifs, comme toujours. En jeune héros idéaliste qui s'émerveille pour un rien, l'acteur jouant David, Christopher Egan, remplit pleinement son rôle, avec une spontanéité mêlée de droiture qui sied parfaitement à l'image de héros qu'il doit renvoyer.
Bilan : Cela faisait quelques temps que NBC n'avait pas proposé une série avec un minimum d'ambition et qui semble avec les moyens de pouvoir les réaliser au moins en partie. Le format de mini-série aurait cependant peut-être été plus adéquat et aurait permis une narration peut-être un peu plus intense.
Cependant, ce pilote se révèle prenant et plutôt efficace, une fois que le téléspectateur s'est bien imprégné de l'ambiance et du ton d'ensemble du récit. Cet univers alternatif, avec ses codes entre tradition et modernité, est intriguant. Si la subtilité est rarement recherchée, le téléspectateur adhère assez facilement aux effets de style d'une symbolique politique et religieuse constamment réaffirmée. Kings reprend à son compte un certain nombre de codes scénaristiques du soap politique, avec des personnages incarnant chacun un stéréotype clairement identifiable. La recette n'est pas originale, mais fonctionne. A voir (éventuellement) sur le long terme, si ces données se complexifient ; car le risque de glisser dans trop de caricatures existe, et le style pourrait devenir trop ampoulé.
Les coulisses du pouvoir avec ces jeux de manipulations et de menaces sont cependant suffisamment épicées pour aiguiser l'intérêt du téléspectateur, curieux de voir ces rapports de force évoluer, et pour donner envie de laisser sa chance à la série, après un épisode où tous les ingrédients semblent réunis pour retenir notre attention.
Je vais donc suivre l'aventure (en espérant que NBC ne sera pas trop prompte à déprogrammer...).
Pour un aperçu vidéo, deux bandes-annonces :
Lectures complémentaires - A lire dans la blogosphère sériephile :
- La review sur Critictoo.
- La critique de The C-View.