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Matin, soleil. Je longe le grand parapet en béton de la place. Un vieux monsieur, maghrebin, profite de la clarté de l'air et se coupe les ongles. J'ai envie, bien sûr, de la photographier. Je vois aussi une femme entourée de gros sacs. Elle a disposé sur ses genoux une panthère noire synthétique, et à sa droite deux autres peluches qui prennent le soleil avec elle. Plus loin je croise une femme à barbe qui me tend timidement un tract protestant contre le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN.
Si j'avais osé.
Mais je n'ai pas osé. C'est autre chose de prendre en photo une personne entière, et pas seulement un fragment. Et puis quoi, qu'aurais-je fait? Je me serais flatté l'oeil, j'aurais arraché de la surface de ces personnes une petite peau de pittoresque. Je n'aurais rendu compte de rien.
J'ai donc préféré me faire regarder par ce mur au visage lui aussi arraché. La fonction commentaire était activée, quelqu'un avait publié à côté : (je suis littéralement sidéré ! Amoureux de l'image!).
Nous tous le sommes, sidérés amoureux de l'image.