source : Agoravox écrit par John Lloyds
C’est l’ultime roue de secours pour un pays qui expire. Par les temps qui courent, les invalides agonisants sont nombreux, et les besoins d’un financement rédempteur ne se sont jamais faits aussi pressants. Fort heureusement, il existe cet organisme, le FMI, créé après la seconde guerre mondiale, dont le but est d’assurer la stabilité financière et la croissance pour tous les pays. Après plus d’un demi-siècle d’existence, cette haute instance financière internationale devrait avoir une expérience irréfutable. Qu’en est-il exactement ?
Le FMI a-t-il atteint ses objectifs depuis sa création ? Que furent par exemple ses talents en Afrique ? :
« L’image de l’institution financière internationale a été ternie, notamment auprès des populations civiles, par les conséquences néfastes de l’échec de ses politiques de développement sur le continent. Dans les années 80, le FMI avait imposé aux pays africains des privatisations qui ont conduit ces Etats à la faillite, des réformes agraires axées sur l’agriculture d’exportation au lieu de la sécurité alimentaire et des restrictions budgétaires qui n’avaient que pour but d’assurer le remboursement des prêts ».
Les premières interventions du FMI en Europe, suite à la crise financière, ne s’annoncèrent guère mieux.
Ses interventions en Lettonie s’étaient soldées par des émeutes et le renversement du gouvernement.
Son aide à la Hongrie s’était vue adossée à un certain nombre de conditions de réductions du déficit budgétaire :
- Réduction du secteur public
- Gel des salaires
- Suspension du 13° mois
- Réduction des retraites
L’objectif étant, selon Strauss-Kahn, de "restaurer la confiance des investisseurs et alléger les tensions connues ces dernières semaines sur les marchés financiers hongrois".
Le Cas de l’Ukraine est édifiant : Litvine, président du parlement, dénonce des « conditions inacceptables » :
- Relève progressive de l’âge de la mise à la retraite
- Hausse des tarifs du logement
- « Réduction de certaines subventions sociales »
- « hausse du prix du gaz de production nationale »
Face à ce refus de réduction du déficit budgétaire, le FMI menace, sur les 16 milliards promis, de couper la seconde tranche de 2 milliards. Les administrations ukrainiennes ne peuvent plus payer les factures de gaz, aussi les coupures en règle dans les immeubles, écoles, hôpitaux sont monnaie courante. Les ponctions induites par le FMI n’arrangent pas la situation déjà désastreuse des populations : « Il y a déjà 5 millions de chômeurs en Ukraine, les gens n’ont pas assez d’argent pour combler leurs besoins fondamentaux ». Le 14 mars, plusieurs milliers de manifestants demandaient le rétablissement de l’union avec la Russie.
Alors que le FMI se présente en défenseur de la veuve et de l’orphelin, en pourvoyeur de « facilité pour la réduction de la pauvreté », il devient dans les faits le gérant d’un gouvernement aux abois, afin de « restaurer la confiance des investisseurs », en l’invitant à équilibrer son déficit budgétaire, un revolver sur la tempe, et en faisant les poches du peuple. Et la demande de bouées de sauvetage étant amenée à croître, c’est le doublement des moyens financiers du FMI, étendant démesurément sa toile d’araignée, qui s’est retrouvé sur la table de travail du G20, avec un minimum requis à 500 milliards, destinés à être immolés sur l’autel suprême, celui qui « rassure les marchés ».
Le déficit budgétaire des Etats-Unis s’est alourdi de 192 milliards en février, et la prévision du déficit a été revue à la hausse, à 12% du PIB, avec une perspective, promise par Obama, à 3% en 2013, avec une « croissance de la dette plus rapide que la croissance de la production réelle », alors que les pays sous la tutelle du FMI sont soumis à obligation de résultat immédiat. Mieux, le 18 mars 2009, date considérée par Paul Jorion comme marquant la fin du capitalisme, les Etats-Unis rachètent leur propre dette, un peu comme si un surendetté aux abois rachetait ses propres dettes.
Où, dans ce contexte, le FMI trouve-t-il les fonds pour venir sauver les brebis égarés ? Comment trouver de l’argent quand celui-ci a disparu de la surface de la planète ? Toujours au même endroit, à la sortie de la photocopieuse. Après les Etats-Unis, Après la Grande Bretagne, c’est maintenant le FMI qui va faire tourner le planche à billets.
C’est donc toujours à la même fin, rassurer les marchés, que la création de la monnaie fiduciaire tourne à plein régime, avec, à l’autre bout de la chaîne, du sang prélevé de corps déjà squelettiques, au titre de la réduction du déficit budgétaire. On pourrait penser que seuls les pays chapeautés par le FMI sont concernés par cette politique coercitive draconienne, mais ce serait oublier que, pour l’eurogroupe, la figuration au sein de la zone euro passe par un travail budgétaire, et donc par l’adoption d’une « stratégie de sortie de la détérioration de la situation de nos finances publiques », suite aux « récents appels américains consistant à exiger des Européens un effort budgétaire supplémentaire ». La bienveillante Amérique s’inquiète de nos soucis budgétaires.
Même si Juncker exclut l’intervention du FMI pour un pays de la zone euro - et on le comprend car ça ferait un peu désordre, l’effort budgétaire des pays doit être d’autant plus soutenu que leur éventuelle chute sous la mainmise du FMI, outre qu’elle apparaîtrait comme une humiliation, amènerait à des directives encore plus drastiques, comme celles jugées inacceptables par l’Ukraine, et imposées dans un esprit manu militari, faute de quoi le robinet du prêt serait fermé, et le pays déclaré en faillite.
En clair, l’ombre du FMI est certainement pire que le FMI lui-même, et les répercussions de cette ombre sur le citoyen européen se traduisent en pressions budgétaires croissantes. Ajoutez à cela que le grand pompier, « facilitant la réduction de la pauvreté », vous prêtera de l’argent qui n’existe pas, qu’il crée pour la bonne cause, vous pourrez alors apprécier une immense escroquerie planétaire à distribuer de la monnaie de singe. La population européenne est bel et bien l’otage et la victime du FMI, dont le seul mandat visible est la restauration de la confiance des investisseurs.