La lecture des Nouvelles Calédoniennes apporte parfois des signes prometteurs, des lueurs d'espoir, de la prise de conscience de la classe dirigeante pour la modification du système de déplacements de l'agglomération.
Car je pense effectivement que la solution est ailleurs, et que cela est préférable tant pour l'environnement (pollution), que socialement (meilleure mobilité des populations les plus pauvres), et économiquement (économies pour la collectivité, diminution de la dépendance énergétique, et maîtrise de la congestionqui ralentit l'économie, entre autres aspects). Ailleurs, cela veut dire dans un système de déplacements alliant transports collectifs, marche, voitures (en autopartage), et cycles. Un système complet proposant un cocktail de solutions et régulant l'utilisation de l'automobile. J'ai déjà apporté quelques idées à ce sujet ici et j'y reviendrai à la fin de ce billet.
Au delà des craintes de certains vis-à-vis de l'attachement des calédoniens à l'automobile (comme si les italiens de Pise, qui ne peuvent entrer dans leur ville en voiture, n'étaient pas eux aussi attachés à leur voiture...), il me semble que le Grand Nouméa présente de nombreux atouts pour le développement des transports collectifs. Parmi ceux-ci il est en un qui est important: la forme urbaine de l'agglomération due à la topographie du site. En effet, entre mer et montagne le Grand Nouméa n'a pu se développer suivant un schéma concentrique au bénéfice d'une urbanisation en doigts de gant.
De nombreuses villes qui se sont développées en plaine ont connu un étalement concentrique (voir ci-dessous). Cela constitue souvent un casse tête difficile à résoudre pour les autorités organisatrices de transports. Les axes d'urbanisation sont nombreux et les implantations des activités aléatoires (de moins en moins centralisées). Comment dans ces conditions assurer une desserte en transport collectif efficace et rapide sans multiplier les ruptures de charge ?
A l'inverse, l'agglomération de Nouméa a connu une croissance urbaine en doigt de gants. Ce type d'urbanisation est aussi connu comme un étalement urbain le long des axes routiers. Il peut présenter de prime abord tous les inconvénients habituels imputables à l'étalement urbain mais aussi faire parfois l'objet de véritables plans d'urbanisme. Ainsi, la ville de Copenhague a-t-elle délibérament prévu un développement de ce type dans le but de maitriser l'urbanisation le long des axes de transports collectifs et pour maîtriser la congestion: c'est le plan en "finger structure" de 1947. Ce type de raisonnement s'approche des Transit Oriented Development dont j'ai déjà eu l'occasion de parler ici .
Par ailleurs, le resserement de la presqu'île de Nouméa constitue une enceinte foncitonnelle qui enclave la ville de Nouméa . Le developpement de voies routières est donc une impasse géographique.
Les contraintes de localisations imposées par la topographie des lieux sont donc une véritable opportunité pour l'agglomération de développer un réseau de transports collectifs et de prendre la direction d'un système permettant une mobilité durable. Mais il y a pour cela quelques conditions (tirées du compte-rendu de la conférence du chercheur suisse V. Kaufmann à Québec en 2008) :
¤1. L’amarrage de l’urbanisation, et tout particulièrement des pôles urbains, aux transports publics
Cela doit commencer avant même que le réseau de transport collectif ne soit mis en oeuvre, c'est à dire tout de suite. Ainsi, chaque projet d'urbanisation, lotissement, zone industrielle, parcs de logements de sociaux, doit-être impérativement pensé autour d'une future station de transport collectif, et de sa voie. Cela nécessite de coordonner réellement transports et urbanisme: en multipliant les rencontres des collectivités entre-elles, avec les promoteurs privés, avec les opérateurs de logements sociaux et en opérant un consensus autour d'un plan pour un futur réseau de transports. Il faudra pour cela beaucoup d'énergie et de pédagogie, notamment pour convaincre les promoteurs de prévoir, éventuellement, dans leurs lotissements, des voies réservées pour les transports collectifs comme l'a fait la Province Sud à Dumbéa-sur-Mer. Cela est particulièrement important dans une ville comme Païta où le foncier disponible est encore important et où l'urbanisation doit se faire selon un plan concerté avec les différents acteurs du Grand Nouméa, notamment dans sa composante de mobilité.
¤2. Le développement d’offres alternatives à la voiture qui couvrent l’espace-temps des agglomérations
Couvrir l'espace-temps, cela veut dire mettre de côté un minimum de résidents, par exemple, pour les plus isolés, en développant quelques parcs-relais, et prévoir des voies réservées au transport en commun afin que ce dernier ne soit pas embourbé dans la circulation.
¤3. La régulation des accès routiers
Cet aspect est primordial, de nombreux échecs de politiques de transports publics sont imputables au manque de détermination dans la régulation du trafic routier. En Suisse, par exemple dans la ville de Berne, modèle européen de mobilité durable, ce dernier s'est fait selon deux axes: un plan de circulation contraignant pour les automobilistes et l'organisation d'une pénurie de stationnements dissuadant l'utilisation de l'automobile. Cette politique de stationnement s'est notamment opérée en relation avec les entreprises afin que ces dernières diminuent leur offre de places de parking pour leurs employés. Les entreprises jouant le jeu se voyant récompensées.
¤4. Une politique du logement qui vise à rendre attrayante la ville dense
Au delà de la construction d'immeubles ou de tours, qui peuvent ne pas constituer un idéal de vie calédonien, il s'agit ici d'éviter les "dents creuses" dans le tissu des villes et de densifier les espaces déjà urbanisés.
Aucun projet d'extension urbaine du Grand Nouméa ne remplit ces quatre conditions. Pire, peu en remplissent au moins une. Il s'agit pourtant de préalables nécessaires à la réussite d'une politique de transports publics, car il n'y a pas d'autres choix que cette réussite pour préserver la qualité de vie de l'agglomération. Maintenant donc que les dirigeants entrevoient que la solution est ailleurs, il s'agit de rendre cet ailleurs possible.
Pour conclure, une petite vidéo permettant de bien comprendre l'intérêt des transports publics et la notion de corridor de transports collectifs.
Que pensez-vous de ces réflexions ? Quel type de transports aurait votre préférence ?
François