A califourchon sur une souche d’arbre, je regarde s’éloigner la rivière. Son débit est rapide en ce début de mois de mars, elle est plus dodue qu’en été et semble plus sauvage, aussi.
Personne ne s’arrête pour la regarder. Je suis seule avec elle sans qu’elle me remarque. Peut-être cherche-t-elle à me fuir, que si vite elle passe ?
Je me demande ce que ressentent les poissons quand, si pressée de traverser la vallée, elle en oublie leur présence : se joignent-ils à elle ou s’accrochent-ils désespérément aux herbes du rivage ?
Comme je voudrais être un bateau de papier pour voguer sur ces flots brunis par les intempéries. Cahoté de-ci de-là, je me laisserais bercer par la vie sauvage de cette eau tourmentée, je ne résisterais pas, je fermerais les yeux jusqu’à les ouvrir aux premières senteurs de l’océan afin de découvrir l’immensité de l’éternité.