Il y a quelques jours, Gabrielle et moi avons pris des vacances et pourtant nous n'avons pas bougé
de chez nous. Ce sont les enfants, les quatre, qui sont partis passer une dizaine de jours chez leurs grands-parents. Passé un petit moment de flottement où le calme de la maison nous a quelque peu
dérouté, nous nous sommes vite fait à cette vie de couple retrouvée. Plus d'horaires à respecter... plus de casse-tête pour savoir comment renouveler les menus des repas... plus de cahier de textes
à vérifier pour savoir si les devoirs ont bien été faits... plus de hurlements au moment de déposer Ulysse à l'école... Juste du temps, et l'envie de le mettre à profit, non pas pour faire tout ce
que l'on n'a pas le temps de faire quand les enfants sont là, mais pour ne rien faire...
Un soir ou nous nous préparons un dîner rapide à manger sur la table basse, je zappe à la recherche d'un bon film sur l'une des trois chaînes et demi que nous captons : TF1, France 2, France 3 et
une Arte quelque peu zébrée. Rien sur le service public, reste à départager la chaîne commerciale de la chaîne culturelle. La première propose une énième rediffusion d'un énième volet de L'arme
fatale; la seconde diffuse "Une affaire de femmes" de Claude Chabrol, film qui a valu à Isabelle Huppert le prix d'interprétation à la Mostra de Venise. Sans hésiter, j'appuie sur le chiffre 5 de
la télécommande et nous commençons à suivre le début du film. Ça tombe bien, nous ne l'avons vu ni l'un ni l'autre. Mais à mesure que défilent les premières images, le sujet de l'œuvre me revient
lentement en mémoire. Cette affaire de femmes, c'est l'avortement. Isabelle Huppert incarne une faiseuse d'anges qui officie sous l'Occupation. D'un commun accord, nous interrompons le visionnage
au bout d'un quart d'heure. Le film est sans doute très réussi, mais ce n'est pas vraiment le genre de sujet à mettre sous les yeux d'une femme enceinte... Et "Une affaire de femmes" n'est pas le
seul.
Pour les mêmes raisons, je déconseille fortement aux femmes qui attendent un enfant de regarder le dernier film de l'américain Sam Mendes. Analyse de la désagrégation d'un couple d'ans l'Amérique
des années 50, "Les noces rebelles" se terminent mal, très mal même, après que la jeune femme incarnée par Kate Winslet ait tenté d'interrompre seule sa grossesse. Une petite tâche de sang sur un
tapis est parfois plus traumatisante qu'un déferlement d'hémoglobine.
Pour autant, les films d'horreur sont également à proscrire. A. ne cesse de nous répéter qu'il faut s'entourer de belles images pour préparer la naissance dans les meilleurs conditions et les films
d'horreur ne sont pas vraiment propices à la sérénité. Les exemples ne manquent pas, comme le récent "À l'intérieur". Je ne l'ai pas vu, mais rien que le titre associé à l'affiche présentant
Béatrice Dalle et Alysson Paradis ensanglantées me fait craindre le pire. Mais celui qui est encore dans tous les esprits de ceux qui l'ont vu, c'est "Alien". Les "naissances" successives de la
redoutable créature ont de quoi marqué les esprits les moins impressionnables, alors celui d'une femme enceinte... À la rigueur, optez pour la parodie qu'en a fait Mel Brooks dans sa "Folle
histoire de l'espace"; après avoir opéré sa sortie, la charmante bestiole se met, à l'instar d'un Fred Astaire, à faire des claquettes en queue de pie et chapeau claque. De quoi désamorcer.
Plus insidieux qu'Alien, plus terrifiant que "Les noces rebelles", il est un film qui les surpasse tous. Roman Polanski s'y connaît pour faire naître des ambiances pesantes et dérangeantes. Et
lorsqu'il s'attache à décrire le quotidien d'une jeune femme enceinte qui se croit victime d'une secte satanique, il y a de quoi faire des cauchemars. "Rosemary's baby" est sorti sur les écrans il
y a plus de quarante ans et reste, à mon sens, la vision la plus dérangeante de la maternité jamais mise en images.
Il existe sans doute bien d'autres œuvres à éloigner des femmes durant leur grossesse (n'hésitez pas à allonger la liste dans vos commentaires...), je n'ai abordé là que celles qui me semblaient
les plus évidentes tout en étant d'excellents films. Alors si par bonheur vous êtes enceinte et cinéphile, de grâce, remisez les DVD de cet acabit au fond de vos placards et ne les ressortez
qu'après avoir accouché. Longtemps après.