Paso Doble n°128 : Pas de boogie-woogie avant la capote du soir ?

Publié le 20 mars 2009 par Toreador

A las cinco de la tarde…

L’alternatiVIH

Maintenant que la polémique sur les propos du Pape s’est un peu apaisée (quoi que…), c’est le moment, je crois, de réfléchir sérieusement et calmement aux données du problème. Pour éviter d’avoir un cancer du poumon, vous avez le choix entre arrêter de fumer ou poser des filtres ou des patchs. Clairement, pour lutter contre la propagation du sida, il y a deux méthodes, sans que je me risquerais à qualifier l’une de supérieure à l’autre.

La première est l’abstinence : il est certain que, sans relation sexuelle, vous aurez plus de mal à attraper le VIH que si Pétrone est votre modèle dans la vie. La seconde est le préservatif.

La première, défendue par l’Eglise au nom d’une idéologie de la natalité et de la famille présente le désavantage de ne pas coller aux moeurs de notre époque. La seconde présente le désavantage de ne pas être efficace à 100% et de reposer sur l’intelligence ou du moins la compréhension des gens, une fois dans l’intimité. Ca a l’air stupide, mais on se rend compte que le fonctionnement du préservatif ne va pas de soi. Je rappelle que Louis XVI a mis 10 ans à comprendre comment on faisait des enfants.

Ma première question sera donc de me demander pourquoi les thuriféraires du préservatif sont furieux que l’Eglise catholique ne défende que la première méthode. A cette question, je ne vois que trois possibilités (si j’en ai oublié, n’hésitez pas à me l’indiquer en commentaires). La première explication est que les propos du Pape, un peu embrouillés, semblaient décrédibiliser la méthode contraceptive. La seconde, qui vaut très certainement pour une frange radicale et libertaire, est que l’Eglise n’a pas à se mêler de sexualité. La troisième est à mon sens la plus partagée : on craint que les propos du Pape aient un effet démobilisateur, c’est à dire que les gens cessent de mettre systématiquement des préservatifs.

Abstenez-vous !

Il y a là une forme d’intolérance intellectuelle à ne pas accepter que d’autres prônent des solutions alternatives. Est-elle justifiée ? J’en doute, d’autant que plus j’y réfléchis, et plus je vois des failles dans les trois explications qui pourraient légitimement justifier le tollé. Primo, lorsque l’on regarde de plus près, Benoit XVI n’a pas vraiment disqualifié le préservatif mais a considéré qu’on ne pouvait pas seulement se baser sur cela. C’est tout aussi intelligent ou stupide que de dire que l’abstinence est une méthode honteuse.

Deuxio, si l’Eglise n’a pas à se mêler de sexualité, alors je ne comprends pas pourquoi on lui demanderait de faire campagne pour le préservatif, qui est une immixtion toute aussi réelle dans la vie privée des individus.

Tertio, si l’on craint qu’il y ait démobilisation et essor du VIH, c’est qu’en réalité on craint que les gens abandonnent le préservatif, sans réellement passer à la méthode d’abstinence. Ce qui signifierait que Benoit XVI n’est pas écouté. Mais s’il n’est pas écouté – et c’était le sens de mon petit jeu logique intitulé « le pari de Toré – pourquoi ne lui laisse-t-on pas dire ce qu’il veut ?

Conclusion : charité bien ordonnée…

En conclusion, je considère que l’une et l’autre méthode sont basées sur des postulats en parti idéologiques qui n’engagent que leurs auteurs. Si je m’en tiens à la stricte efficacité et au droit de développer une pensée hétérodoxe, je pense que la polémique n’a pas lieu d’être.

Après, là où je serai critique, c’est que je pense que les deux méthodes sont loin d’être inconciliables et que, préconisées de manière commune, elles permettraient de se renforcer mutuellement. Benoit XVI aurait donc été mieux inspiré de s’en tenir à une démarche active plutôt que critique.

Cette affaire témoigne surtout de la rigidité d’un Eglise dont le message spirituel doit s’accommoder des réalités de l’âme humaine. Le problème de l’Eglise est qu’elle est une institution qui transmet un message. Des siècles d’existence ont alourdi et ultra-détaillé un message évangélique de concepts sur la vie et la conduite en société, au point que le dogme finisse parfois par masquer le salut.

Changer ce message a un coût politique en termes de crédibilité qui est bien supérieur à celui de la plupart des gouvernements démocratiques car il suppose de revenir sur des années, des décennies, voire des siècles de magistère : regardez en France comment abroger  les 35 heures ou le paquet fiscal est difficile.

Revenir sur une position c’est grosso modo : 1/ Proclamer que vos prédécesseurs étaient des imbéciles, que vous avez tout compris, et donc que l’Eglise a eu tort. 2/ Assumer le risque de transmettre une Eglise plus divisée que celle dont vous avez hérité, une responsabilité qui ne se mesure pas seulement à l’aune de l’Histoire mais, pour un croyant comme le Pape, l’engage dans l’au-delà. Ceci ne favorise pas, dans une société qui privilégie  l’innovation, l’adaptation du message d’une Eglise pluricentenaire.

Lire aussi dans la Kiwisphère : l’avis de notre catho de service, et celui d’un libéral pas libertaire, …

abstinenceBenoit XVIpréservatif

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