Les révélations se multiplient sur les humiliations et actes de vandalisme contre des civils et leurs maisons, et l’assouplissement des règles d’engagement lors du conflit dans la bande de Gaza.
Militaires israéliens à la frontière avec le nord de la bande de Gaza (Reuters)
L’opération "Plomb durci" de l’armée israélienne dans la Bande de Gaza apparaît sous un nouveau jour, avec une série de témoignages de soldats, a-t-on appris samedi 21 mars. Les révélations se multiplient sur les humiliations et actes de vandalisme contre des civils et leurs maisons, et l’assouplissement des règles d’engagement, qui a eu des morts pour conséquence, provoquant l’ouverture d’une enquête.
Tsahal a ordonné une enquête
Le gouvernement israélien a toujours affirmé avoir tout tenté pour éviter les victimes civiles pendant les trois semaines de cette offensive qui s’est achevée à la mi-janvier. Leur nombre élevé a pourtant suscité les condamnations de la communauté internationale.
Mais jeudi, soit deux mois après la fin de l’offensive, Tsahal a ordonné une enquête sur ses propres soldats, après ces témoignages selon lesquels certains soldats ont tiré, parfois un peu trop vite et de manière indiscriminée, comptant sur le fait que l’assouplissement des règles d’engagement les protégerait.
Ces révélations sèment le trouble et suscitent des interrogations, dans un pays où Tsahal, un des principaux piliers d’Israël, bénéficie d’un respect considérable, mais où, déjà, la guerre du Liban de l’été 2006 avait ébranlé des certitudes. Pourtant, Ehoud Barak, le ministre de la Défense, a réaffirmé jeudi ce qu’Israël se répète: son armée est "la plus éthique au monde".
Israël aurait violé les lois de la guerre
Ces témoignages sont d’autant plus troublants qu’ils viennent conforter les accusations des Palestiniens et des organisations de défense des droits de l’Homme, selon lesquelles Israël aurait violé les lois de la guerre à Gaza.Ces témoignages ont été publiés dans la lettre d’information en ligne d’une école militaire, transmise aux journaux israéliens Haaretz et Maariv, qui en ont publié des extraits jeudi et vendredi, et que l’agence de presse américaine Associated Press a obtenus dans leur intégralité.Le directeur de l’institut militaire, Danny Zamir, a qualifié la discussion entre soldats "d’instructive", mais également "consternante et déprimante": "vous êtes en train de décrire une armée avec des normes très basses".L’un des soldats décrit comment une Palestinienne et ses deux enfants ont été tués, atteints par un sniper, pour avoir mal compris ce qu’un soldat israélien leur ordonnait et pris le mauvais chemin: le tireur embusqué n’avait pas été informé que les civils avaient reçu l’autorisation de sortir de la maison qu’il surveillait, et a donc ouvert le feu quand il les a vus approcher.
Une vieille femme abattue
Un autre raconte la mort d’une vieille femme, abattue alors qu’elle marchait sur la route et qu’il n’était pas clair qu’elle constitue un danger. "J’ai simplement eu l’impression que c’était un meurtre de sang froid", raconte le soldat identifié uniquement sous le nom d’"Aviv".
Et "Aviv" de raconter également comment sa propre unité a reçu ordre d’investir une maison par la force et de tirer à vue sur toute personne s’y trouvant. "J’appelle ça meurtre", a estimé le soldat. "En haut, ils disaient que c’était autorisé, parce que quiconque restait dans le secteur et dans la ville de Gaza était dans les faits condamné, et un terroriste, parce qu’ils n’avaient pas fui".
Le jeune homme explique ensuite qu’il a insisté pour qu’on donne cinq minutes aux habitants pour évacuer, une attitude qui a déclenché des protestations parmi ses camarades. Selon lui, les soldats se comportaient comme si "à l’intérieur de Gaza, vous avez le droit de faire ce que vous voulez, d’enfoncer les portes des maisons sans autre raison que le fait que c’est cool". "Ecrire ‘Mort aux Arabes’ sur les murs, prendre les photos de famille et leur cracher dessus, juste parce que vous pouvez le faire", a-t-il ajouté.
Pamphlet religieux
Un autre soldat, "Ram", décrit ce qui semble être une querelle entre soldats laïcs et soldats religieux, et le "fossé profond" entre les informations préalables à l’opération fournies par l’armée et celles fournies par le rabbinat militaire, donnant le sentiment d’une "mission quasi-religieuse". "Leur message était très clair: ‘Nous sommes le peuple juif, nous sommes venus sur cette terre grâce à un miracle. Dieu nous a ramenés sur cette terre, et maintenant nous devons nous battre pour chasser ceux qui interfèrent avec notre conquête de cette terre sainte’", dit-il.
Un peu plus tôt cette année, Tsahal avait déjà sérieusement réprimandé un officier pour avoir distribué un pamphlet religieux appelant les soldats à n’avoir aucune pitié avec leurs ennemis: ce document était basé sur les écrits d’un rabbin ultranationaliste, et pas approuvé par le rabbinat militaire, a expliqué l’armée israélienne.
L’offensive militaire israélienne a fait en 22 jours 1.417 morts côté palestinien, dont 926 civils, selon le Centre palestinien pour les Droits de l’homme. Treize Israéliens ont été tués. (avec AP)
Source : Nouvel Obs