Stratégie; Les "lignes rouges" du Kremlin en Europe

La Russie ne marchandera ni sur la question du Kosovo, ni sur le déploiement du bouclier antimissile américain en Europe. Et l'Occident doit le comprendre, a déclaré le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, lors d'un discours devant les étudiants de l'Institut de relations internationales de Moscou (Mguimo). "Au-delà de la politique de non-confrontation de la Russie, il y a ce qu'on appelle des lignes rouges – celles qui représentent une réelle menace pour notre sécurité nationale ou pour l'ordre international. Parmi ces questions figurent les projets d'installation de bases antimissiles en Europe centrale et la question du Kosovo", a souligné le chef de la diplomatie russe.

Moscou estime que le projet américain d'installer un radar en République tchèque et des missiles intercepteurs de missiles en Pologne menace sa sécurité. Le président Vladimir Poutine a proposé sans succès aux Etats-Unis d'y renoncer et d'utiliser à la place le radar de Gabala, en Azerbaïdjan. "On aurait pu faire de la défense antimissile un élément de renforcement de la confiance [mutuelle]. C'était le sens des propositions du président Poutine [au président George W. Bush] à Kennebunkport", aux Etats-Unis, où les deux hommes se sont rencontrés début juillet, a affirmé M. Lavrov. Ces propositions "donnent une idée de la manière dont les intérêts communs de la Russie et des Etats-Unis pourraient être réalisés. On ne voudrait pas que cela se termine sur des opportunités ratées", a-t-il ajouté. "Les Etats-Unis et la Russie ont hérité du passé une responsabilité commune pour le maintien de la stabilité stratégique dans le monde", a insisté le chef de la diplomatie russe.

RENFORCER L'AXE MOSCOU-BRUXELLES-WASHINGTON

Sergueï Lavrov a souhaité le développement de la coopération entre la Russie, l'Union européenne et les Etats-Unis, qui "a déjà commencé, mais, pour l'instant, sur quelques aspects et très timidement". Selon lui, dans le "triangle" Russie-Europe-Etats-Unis, il y a des problèmes sur lesquels l'Europe est plus proche des Etats-Unis, mais "sur une série de problèmes stratégiques, l'Europe a plus de points communs avec la Russie".

Le chef de la diplomatie russe a également évoqué les relations russo-britanniques, n'y voyant"rien de tragique", malgré les récentes tensions liées au refus de Moscou d'extrader vers Londres le principal suspect de l'assassinat d'Alexandre Litvinenko. "Je ne pense pas qu'en prenant la décision de donner l'asile politique à certaines personnes discutables [une allusion à l'homme d'affaires Boris Berezovski et à l'ancien combattant tchétchène Ahmed Zakaev], la Grande-Bretagne espérait vraiment s'assurer de la possibilité d'appuyer sur les boutons dans la politique intérieure de la Russie. Cependant, au final, Londres est devenu volontairement ou non un acteur dans les intrigues et provocations menées contre la Russie", a déclaré M. Lavrov.