Imaginons. Première partie.
Imaginons que le maire de Paris, Bertrand Delanoë, soit très populaire. Qu’après le congrès de Reims, en
automne dernier, et avec la crise sociale et économique, il devienne un véritable recours. En quelques sortes, l’homme providentiel comme il y en a peu dans un siècle.
Et imaginons que parallèlement, le Président de la République française, Nicolas Sarkozy, se soit complètement effondré dans les sondages. Qu’on le
rende responsable de la crise, de la pauvreté, de la précarité, des mauvais soins, de la malnutrition. Et imaginons aussi qu’on lui reproche son népotisme, son amitié pour les riches, son intérêt
personnel dans toutes les affaires financières du pays, ses liens avec des grands groupes privés étrangers.
Plantons encore le décor
Le gouvernement de François Fillon, soutenu par une très large majorité parlementaire UMP à l’Assemblée Nationale et au Sénat, n’avait cependant pas
trop d’inquiétude pour le Président de la République. Élu jusqu’en mai 2012, Nicolas Sarkozy avait de toute façon encore le pouvoir pour les prochaines années et comptait sur quelques divines
surprises de l’actualité pour se refaire une popularité.
Quant au Conseil Constitutionnel, présidé par un fidèle de l’ancien Président de la République Jacques Chirac, Jean-Louis Debré, même s’il se méfiait
de Nicolas Sarkozy, il lui restait complètement acquis.
La popularité de Bertrand Delanoë n’était pas nouvelle mais elle devenait désormais …géante. Grâce à quelques tours de passe-passe financier avec
l’une de ses entreprises, il avait réussi d’ailleurs à s’emparer de la chaîne de télévision M6 ainsi que de la station de radio Europe 1, deux médias essentiels pour progresser vers le pouvoir
suprême grâce à leur forte audience.
Heureusement pour Nicolas Sarkozy, la chaîne de télévision TF1 et la station de radio RTL lui restaient acquises malgré son impopularité, notamment
grâce à ses réseaux très étoffés au sein des grands patrons. Et il pouvait aussi se reposer sur l’audiovisuel
public avec France Télévisions et Radio France dont il avait la maîtrise de la direction.
La mairie tremplin
Le maire de Paris Bertrand Delanoë avait vite compris que ses fonctions avaient plus d’importance politique que ne le laissaient prévoir ses
attributions. Ce n’est pas pour rien que le gouvernement de la République avait refusé pendant plus d’un siècle de République de faire exister ce poste qui mettait en danger la sécurité du
pouvoir en place dans capitale.
Ce fut le Président Valéry Giscard d’Estaing qui recréa cette fonction politique essentielle et malheureusement pour lui, il la perdit dès la
première élection, en mars 1977, au bénéficie de son ancien Premier Ministre Jacques Chirac devenu un de ses farouches adversaires. Ce dernier, grâce à cette mairie, après bien des vicissitudes,
près de deux décennies plus tard, parvint à devenir lui-même Président de la République.
Bertrand Delanoë n’a pas oublié cette histoire ni le fait aussi que recevoir tous les grands hôtes de marque, tous les chefs d’État et de
gouvernement, le mettait à égalité avec Nicolas Sarkozy sur le plan international.
Et puis, son ambition dévorante et sa soif de pouvoir, alliées à un certain sens de l’ego, permettait à Bertrand Delanoë d’être lui-même convaincu
que son tour venait et qu’il était effectivement bien l’homme de la situation.
Un appel aux armes
Tout commença quand sa télévision M6 retransmit une interview en direct de l’ancien Premier Ministre Lionel Jospin.
Bertrand Delanoë s’était bien gardé de montrer son amitié et sa fidélité pour Lionel Jospin car Jospin était, dans ce pays si volatile, encore plus
impopulaire que Nicolas Sarkozy.
On reprochait à Lionel Jospin tout et son contraire, mais l’unanimité se faisait sur son ego détestable (mais quel homme de pouvoir n’aurait-il donc pas d’ego détestable ?). On lui
reprochait tout à la fois d’être un trotskiste masqué représentant les intérêts d’une Union soviétique déchue
et d’être à l’origine de la privatisation d’EDF, des délocalisations, d’avoir favorisé le grand capital international. Il était tellement haï par les Français qu’il avait préféré se réfugier aux
États-Unis (les États-Unis, pour une raison historique obscure qu’il serait trop long à expliquer ici, avaient annexé entre temps l’Île de Ré).
Or, dans cet entretien télévisé en direct, Lionel Jospin demandait de son exil aux Français de sortir dans la rue les armes à la main et de renverser
le pouvoir UMP par tous les moyens. Un appel à l’insurrection illégal qui, heureusement, n’était passé sur aucun autre chaîne de télévision.
M6, qui avait été mis sur le fait accompli par Lionel Jospin en raison du direct, a cependant voulu persévérer en annonçant que son service des
programmes rediffuserait l’interview dans son intégralité.
Nicolas Sarkozy, aidé de Christine Albanel, la Ministre de la Culture et de la Communication, a alors décidé l’irréparable : interdire de
diffusion M6.
Heureusement pour Bertrand Delanoë, Europe 1 pouvait encore diffuser et ne se privait plus à demander à ses auditeurs de se rassembler pour défendre
la démocratie et la liberté d’expression.
Comme à chaque nouvel an, Nicolas Sarkozy avait cependant invité Bertrand Delanoë à assister à ses vœux. Un moyen, selon lui, de renouer le dialogue.
Mais ce dernier, loin de vouloir y assister, mit en demeure le Président de la République de rouvrir M6 avant la veille de ces vœux.
N’aimant pas être soumis à ultimatum, Nicolas Sarkozy n’obtempéra pas. Et ce fut le début de la crise.
Des foules de plus en plus nombreuses
Le premier week-end qui suivait, en décidant que la place de la Nation s’appellerait désormais la place de la Démocratie, Bertrand Delanoë voulait
montrer au pouvoir sa grande capacité à mobiliser les foules. Et les parisiens l’ont aidé : ils venaient en masse le soutenir. Mais la place n’était plus assez grande.
Alors il changea de lieu ; à chaque nouveau rassemblement, essentiellement le week-end, Bertrand Delanoë faisait le plein des foules à la place
de la République. Une masse noire de Français, venus parfois de loin, sans le sou mais avides de reprendre un peu de pouvoir face à la logique financière internationale.
Au bout de quinze jours, la situation était franchement mauvaise pour l’UMP qui était paralysée et ne réagissait plus. Nicolas Sarkozy décida
d’envoyer la troupe à la fois vers Europe 1 (en plein Paris) et à Radio France (à l’ouest de Paris) pour fermer l’antenne révolutionnaire et protéger la radio nationale.
C’est là que tout dégénéra…
La suite dans un prochain article.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (21 mars 2009)
Pour aller plus loin :
L’influence opaque de Lionel Jospin.
Nicolas Sarkozy serait un dictateur.
http://www.lepost.fr/article/2009/03/21/1465784_politique-fiction-1.html