Le « smart power » promet d’être le nouveau serpent de mer de la politique étrangère américaine. Présenté par Hillary Clinton comme l’outil des relations extérieures de l’Administration Obama, il est plein des promesses de changement attendues sur la scène internationale. « Pour faire face à un monde où les crises s’accumulent — disait Madame Clinton lors de son audition devant la commission sénatoriale- nous devons avoir recours à ce qui a été appelé ‘ le pouvoir de l’intelligence’, l’ensemble des outils à notre disposition : diplomatiques, économiques, militaires, politiques, légaux, et culturels — il faut choisir le bon outil, ou la bonne combinaison d’outils, la mieux adaptée à chaque situation ». Le terme smart power, qui n’est pas innocemment choisi [1], est l’emblème d’une rupture avec l’unilatéralisme agressif de l’Administration Bush. La maternité du concept revient à Suzanne Nossel, qui l’a théorisé en 2004 dans la prestigieuse revue américaine Foreign Policy. Ce nouvel outil, représenté outre-Atlantique comme une synthèse entre la contrainte (hard power) et l’incitation par l’exemple (soft power) est accueilli avec enthousiasme par les penseurs américains des relations internationales. En Europe, on espère qu’il sera l’outil du changement par rapport à l’ère Bush.
Jacques Charmelot, chroniqueur pour l’AFP, propose, dans une étude récente, une vision intéressante de la notion. L’auteur défend l’idée selon laquelle cette ouverture américaine vers le reste du monde est une chance que le vieux continent doit saisir rapidement. Il doit prendre la mesure de ce changement pour être en mesure d’y participer. Si, en effet, l’Europe ne trouvait pas de réponse appropriée à la posture américaine, il craint qu’elle ne devienne un fardeau, voire un obstacle à celle-ci. Après une courte présentation à Munich, les pays européens vont rencontrer le nouveau visage de la politique étrangère des Etats-Unis lors du 60ème sommet de l’OTAN. Ce sera pour eux l’occasion de saisir la « balle au bond » et de nouer une sérieuse relation de partenariat avec la nouvelle administration américaine. Si les Européens attendent beaucoup d’elle, l’inverse doit être tout aussi vrai.
Cette vision volontariste est partagée par un rapport de Terra Nova, qui prêche toutefois pour une position européenne plus affermie sur la scène internationale. Une position qui prendrait en compte le rôle laissé vacant par la désaffection pour l’attitude américaine ; où l’Europe serait à l’initiative plus qu’elle ne serait suiveuse. A l’heure où l’Amérique souffre, aussi bien économiquement qu’en termes d’image, il ne lui a pas échappé qu’elle a une place particulière à prendre auprès des Américains.
JB
1] Il ne faut pas en effet traduire ce terme par intelligent mais le comprendre comme astucieux, ingénieux.