10. "Les Juifs lui dirent: Quel signe nous "montrez-vous qui vous autorise à faire ces choses?" Et le Seigneur: "Détruisez ce temple, et je le relèverai en trois jours. Les Juifs lui dirent donc: On a mis quarante-six ans à le bâtir, et vous vous dites: je le relèverai en trois jours?" Ils étaient chair et comprenaient but dans un sens charnel, et Jésus-Christ leur parlait dans un sens spirituel. Lequel d'entre eux aurait pu comprendre de quel temple il parlait? Pour nous, nous n'avons nul besoin de chercher longtemps ce qu'il voulait dire; il nous l'a fait connaître par son Evangéliste, il nous a dit de quel temple il voulait parler. "Détruisez ce temple, et je le relèverai en trois jours. On a mis quarante-six ans à le bâtir, et vous le relèverez en trois jours? Mais, ajoute l'Evangéliste, il parlait du temple de son corps". C'est un fait avéré: Le Sauveur a été mis à mort et est ressuscité trois jours après. Cette vérité est aujourd'hui connue de nous tous; si elle est impénétrable pour les Juifs, c'est qu'ils se tiennent hors de l'Eglise; nous en avons la claire vue, parce que nous savons en qui nous croyons. Bientôt nous célébrerons la solennité anniversaire de la destruction et de la réédification de ce temple; nous exhortons ceux d'entre vous qui seraient encore catéchumènes à s'y préparer, afin de recevoir la grâce. Voici le moment favorable pour engendrer ce qui doit naître alors. Cette vérité, nous la connaissons donc.
11. Mais peut-être voulez-vous apprendre de notre bouche si les quarante-six années employées à bâtir le temple n'indiquent pas quelque mystère. Assurément il y aurait beaucoup à dire à ce sujet: quoi qu'il en soit, nous vous dirons ce qui n'exige pas de longs développements et ce que vous pouvez facilement comprendre. Si je ne me trompe, mes frères, nous vous l'avons dit hier, Adam a été un simple homme; et néanmoins il était le genre humain tout entier. Voilà, s'il vous en souvient, ce que nous avons dit (V, Traité 9). Cet homme unique s'est comme fractionné dans les autres hommes; mais en dépit de cette dispersion de lui-même, il est recueilli pour ainsi dire et comme réuni de nouveau en un seul par le lien de la société et de la concorde des esprits. Ce pauvre unique, cet Adam gémit, mais il se renouvelle en Jésus-Christ; car ce nouvel Adam est venu sans le péché, afin de détruire en sa chair le péché du vieil Adam et de refaire en sa personne un Adam qui fût l'image de Dieu; le corps de Jésus-Christ vient donc d'Adam: c'est d'Adam qu'a été formé ce temple détruit par les Juifs et relevé par Dieu après trois jours; car il a ressuscité sa chair. C'est la preuve qu'il était Dieu, égal à son Père. Mes frères, l'Apôtre a dit: "C'est Dieu qui l'a ressuscité d'entre les morts". De qui parle-t-il? Du Père. "Jésus-Christ s'est fait obéissant jusqu'à la mort, jusqu'à la mort de la croix; c'est pourquoi Dieu l'a tiré d'entre les morts et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom (Ph 2, 8-9)". Le Seigneur est donc sorti vivant d'entre les morts, et il a été exalté. Par qui? Parle Père à qui il dit dans un psaume: "Rétablissez-moi, et je les punirai (Ps 40, 11)". Donc c'est le Père qui l'a ressuscité. Le Fils ne s'est donc pas ressuscité lui-même? Mais que fait le Père sans son Verbe? Que fait le Père indépendamment de son Fils unique? Ecoute: voici la preuve de la divinité du Fils: "Détruisez ce temple, et je le relèverai en trois jours". A-t-il dit: détruisez ce temple, et mon Père le rétablira en trois jours? Non; mais comme, lorsque le Père ressuscite un mort, le Fils ressuscite avec lui; ainsi, lorsque le Fils ressuscite un mort, le Père le ressuscite aussi, parce que le Fils a dit: "Mon Père et moi nous sommes un (Jn 10, 30)".
12. Cependant, que signifie ce nombre de quarante-six? Nous avons montré hier qu'Adam se trouve dans toutes les parties du monde; les lettres initiales de quatre mots grecs nous ont servi à le faire. Si, en effet, tu unis l'un sous l'autre les quatre noms des quatre parties dont le monde se compose, c'est-à-dire l'Orient, l'Occident, le Nord et le Midi, ce qui a fait dire au Seigneur que lorsqu'il viendra juger, il rassemblera ses élus des quatre vents (Mc 13, 27) si donc tu écris ces quatre noms, l'Orient, anatole, l'Occident, dysis, le Nord, arctos, le Midi, mesembria, les premières lettres de ces quatre mots, anatole, dysis, arctos, mesembria, te donneront le nom d'Adam. Mais comment y trouvons-nous aussi le nombre quarante-six? En ce que le corps de Jésus-Christ venait d'Adam. Chez les Grecs, les lettres servent de chiffres. Notre lettre a, s'écrit dans leur langue, alpha, et s'appelle alpha, un. Si, pour compter un nombre, ils emploient le bêta, qui est leur b, cette lettre représente le chiffre deux; gamma, trois; delta, quatre, et ainsi de suite pour toutes les autres lettres. Ce que nous appelons, ils l'appellent my, et cette lettre, dans les nombres, équivaut à quarante, en grec, tessarkonta. Voyez maintenant quel nombre forment les lettres qui composent le nom d'Adam, et vous trouverez les quarante-six années employées à la construction du temple. Le mot Adam se compose d'un alpha, un;d'un delta, quatre; ce qui signifie déjà cinq; puis d'un autre alpha, un; ce qui fait six; il y a enfin un my, quarante; en tout quarante-six. Mes frères, nos anciens pères ont dit tout cela avant nous et ils ont trouvé dans ces quatre lettres le nombre quarante-six. Et parce que Notre-Seigneur Jésus-Christ a reçu son corps d'Adam, sans en recevoir le péché, il y a pris le temple de son corps sans y prendre l'iniquité qui devait être chassée du temple. Cette chair qu'il a reçue d'Adam (Marie, en effet, descendait d'Adam, et la chair du Seigneur était de Marie), les Juifs l'ont crucifiée. Mais il devait ressusciter après trois jours, ce corps que les Juifs devaient faire mourir sur la croix. Ils ont détruit le temple bâti en quarante-six ans, et lui l'a ressuscité en trois jours.
13. Nous bénissons le Seigneur notre Dieu de nous avoir rassemblés pour nous remplir d'une joie toute spirituelle. Demeurons toujours humbles de coeur, et que nôtre joie soit en Dieu. Ne nous laissons pas enorgueillir par les prospérités du siècle, mais sachons qu'il n'y aura pour nous de bonheur qu'au moment où seront évanouies toutes les choses du temps. Mes frères, que notre joie ici-bas soit en espérance; que personne ne la mette dans le présent, de peur de demeurer en chemin. Que l'espérance soit donc la source de toutes nos joies; que tous nos désirs aient pour objet la vie éternelle. Que tous nos soupirs s'élèvent vers Jésus-Christ: il est l'unique beauté; il a aimé ceux mêmes que déparait la laideur, afin de les rendre beaux; souhaitons donc de lui être unis; dirigeons vers lui seul notre course et nos gémissements, et que ceux-là "disent toujours: Loué soit le Seigneur, qui aiment la paix de son serviteur".
Commentaire de l'Evangile de Jean