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20 décibels de trop

Publié le 20 mars 2009 par Annonymise
témoignage de Gab :
"20 ans. Ce pouvait être le bel âge. Ça aurait pu être mon plus bel anniversaire. Être assez vieux pour faire « ce que l'on veut », enfin hors de ce terrible contrôle parental - bien que l'on ne puisse survivre sans eux plus de 3 jours, ne serait-ce que financièrement.... Le A s'en allait, je pouvais enfin rouler après 3 bières, sans craindre de perdre mon permis à 0,50001 g d'alcool par litre de sang. Lorsque l'on découvre l'hyperacousie, on ressentirait presque des envies nauséabondes de meurtre, à la tronçonneuse par exemple, histoire de finir en apothéose : les autres et ses oreilles en harmonie parfaite, enfin, dans la douleur et la souffrance.
Un tel cadeau d'anniversaire, je n'aurais pu l'imaginer, même dans mes pires cauchemars. Ma ligne de vie semblait pourtant parfaite, je n'avais peut-être pas voulu voir cette fissure, non loin du début... Le pire, ce sont les regrets. Regretter d'y être allé, de ne pas s'être protégé, je comprends peut-être (un peu) les séropositifs : je connaissais le mal, je le percevais, et pourtant, je ne l'ai pas mise cette putain de capote en mousse jaune. J'en ai honte, mais ce fut la pauvre métaphore que m'a fait l'ORL que je viens de reprendre ici, ce fameux prescripteur de vastarel et de cortisone inutiles. Jeune et con, à ce croire trop beau, trop bien, on se croit plus puissant qu'on ne l'est, je l'avoue, et je suis la première victime de ma propre supercherie.
Mais comment sortir de tous ces sons ? C'est à se demander si ma conscience pourra arrêter cet amoncellement de bruits. De toute façon, elle finira bien par devoir trier, je doute que je puisse percevoir en permanence je ne sais combien de bruits, sans en mettre de côté une partie. Mes acouphènes ne sont pas forts, mais nombreux. Mon problème à moi est là. Je pense que j'en suis à environ une dizaine depuis mes deux semaines d'hyperacousie, mais effectivement, je ne peux en entendre en même temps que 3 ou 4. Hallucinations auditives, mémoire tampon ? Tout cela ne paraît pas véritablement définir ce balai de sons lointains venant et disparaissant les uns après les autres, ce défilé de mode acouphénique allant au gré de mes activités quotidiennes : la sirène du bruit, le shhhh de la douche, le vrouuuu de l'ordinateur, la sonnerie du portable de ma mère, l'air de Day'N Nite ; chacun m'en laisse un peu, pour quelques minutes ou quelques heures, jusqu'à ce que le suivant le remplace. Complètement flippant au début, je commence à comprendre mon fonctionnement personnel, ce qui est déjà une bonne chose. Trouver des marques dans cet environnement nouveau, hostile et unique, c'est le début du combat.
Je ne désespère plus. Du moins, j'essaye. Je n'ai pas le droit de ne pas y croire au bout de deux semaines, quand certains y croient encore au bout de plusieurs années. Je ne sais si la certaine « amélioration » que je crois percevoir n'est que le fruit du magique lexomil ou si elle laisse présager un futur, bien que lointain, un peu moins sombre. Mais après le désespoir, je me laisse envahir par cet espoir, peut-être un peu fou et naïf, digne d'un débutant comme moi, qui tente de se raccrocher aux branches, espérant qu'on ne les scie pas trop vite....à la tronçonneuse. Je rêve encore d'un matin sans le ventre noué, d'un petit dej sans peur de la télé, d'un film avec le générique, d'une fille qui jouit, d'un verre d'alcool entre amis sans conséquences, et enfin, et surtout, d'un morceau d'électro planant à souhait, qui vous transporte si loin de tout.... Tout cela me paraît tellement près, il y a deux semaines, mais aussi tellement loin...
Encore trop de questions, de peurs, d'angoisses s'amoncellent pour que je puisse voir les choses en face."
Gab.

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