Pour le résumer brièvement, Malaparte explique qu'un coup d'état réussi ne s'intéresse pas à prendre des symboles, mais à bloquer les nerfs vitaux d'une société. Par exemple, mieux vaut contrôler - à l'époque - les PTT et les centrales électriques, plutôt que le Parlement.
Pour ces leçons, et son insolence - Hitler est dépeint comme une folle hystérique -, Malaparte a payé de cinq années de prison à l'île de Lipari, sur ordre de Mussolini.
Les enseignements de Malaparte sont tirés de l'étude de différents coups d'état, réussis (1917, en Russie), ratés (la tentative de retour au pouvoir de Trotsky) ou même jamais tentés (les communistes allemands ou italiens de l'après première guerre mondiale).
De la révolution russe de 1917, il tire un enseignement : point n'est besoin, pour prendre le pouvoir, de masses innombrables. Face à Lénine, qui veut submerger l'ennemi, Trotsky pose que "tout le peuple, c'est trop pour l'insurrection. Il faut une petite troupe, froide et violente, dressée à la tactique insurrectionnelle". De fait, il renversera Kerenski non en envoyant des centaines d'hommes contre les mitrailleuses installées face au Parlement et devant les ministères, mais en envoyant des petits groupes de deux ou trois hommes tenir tous les points stratégiques, quartier par quartier.
En 1927, quand Trotsky tente de renverser Staline, ses petits groupes d'hommes trouveront, dans chaque bureau de poste ou central téléphonique qu'ils tenteront de prendre, les hommes de la Guepeou de Menjinski, eux aussi organisés en petits groupes discrets et efficaces. La tactique de Trotsky a été reprise par plus fort que lui.
Malaparte poursuit avec le putsch de Kapp (raté) et le 18 Brumaire (réussi, mais de peu), pour évaluer les conditions d'un coup d'état réussi, où la vitesse d'exécution et d'inévitables entorses à la législation sont nécessaires. Pour avoir voulu rester légaliste, Bonaparte a failli échouer. Mussolini a réussi en 1922 par une préparation longue (trois années) et minutieuse, qui minimisa la violence nécessaire à la victoire. En deux étapes, une première avancée en août contre la grève générale lancée par la gauche, une fois contre le gouvernement légal, en octobre, Mussolini l'emporte en Italie.
De l'ensemble des récits de conquêtes par l'extrême droite, on retire l'impression que la gauche perd toujours faute de savoir identifier ses adversaires. Ce ne sont pas tant les patrons et les pouvoirs constitués, que les nervis auxquels le patronat et les pouvoirs de droite ont recours pour faire peur qui sont dangereux. Car tôt ou tard, les nervis veulent travailler pour eux-mêmes.
En un dernier chapitre, exemplaire de ce point de vue de l'utilisation d'un homme de main par les possédants apeurés, Malaparte décrit l'arrivée au pouvoir de celui qu'il présente comme "une femme : Hitler". Un portrait assez juste, qui anonce, dès 1931, la nuit des longs couteaux (1934) et les guerres successives : "Hitler est jaloux de ceux qui l'ont aidé à devenir une figure de premier plan dans la vie politique allemande. Il redoute leur énergie, leur fierté, leur esprit combatif, cette volonté courageuse et désintéressée qui fait des troupes d'assaut hitlériennes un dangereux instrument de puissance. Il emploie toute sa brutalité à humilier leur orgueil, à étouffer leur liberté de conscience, à obscurcir leurs mérites personnels, à transformer ses partisans en serviteurs sans dignité. Comme tous les dictateurs, Hitler n'aime que ceux qu'il peut mépriser. Son ambition c'est de pouvoir, un jour, corrompre, humilier, asservir tout le peuple allemand, au nom de la liberté, de la gloire et de la puissance de l'Allemagne".
Un très bon livre pour les passionnés d'histoire et d'histoire politique.