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Les producteurs de rosé furieux contre Bruxelles

Publié le 20 mars 2009 par Elmarco

Ce lundi 16 mars 2009, sur le site de Le Figaro, Delphine Chayet (avec Jean-Benoît Vion) publie un article intéressant concernant la menace qui pèse sur le rosé. Nous le reprenons ci-dessous.

Les vignerons français craignent que leurs efforts pour faire du rosé «un vin à part entière» soient anéantis par la mise sur le marché de produits issus de cépages mélangés.

Le mélange de vins rouges et blancs pourrait être autorisé dans l’Union européenne. Une hérésie, estime-t-on en Provence.

Voilà plus de trente ans que Philippe Pouchin élabore son rosé à partir de grains de raisins noirs, conformément à la tradition provençale. Des caves du domaine de Château Bas, sur les coteaux d’Aix-en-Provence, sortent chaque an­née des milliers de bouteilles d’un vin délicat, aux arômes vifs de fleurs blanches, d’agrumes et de poires. «Ici, on ne bidouille pas en mélangeant des vins rouges avec des blancs, s’insurge ce viticulteur. On va chercher la couleur et les arômes sur la peau, après une macération de quelques minutes à quelques heures. C’est la manière la plus noble et la plus élégante de faire du rosé.»

Depuis que la commission eu­ropéenne a annoncé son intention d’autoriser le mélange de vin rouge et de vin blanc pour produire du rosé, les viticulteurs français sont en ébullition. La pratique œnologique du «coupage», très contestée au pays des grands crus, était jusqu’à présent interdite en Europe pour les vins de table. En France, seuls les champagnes ro­sés sont produits selon ce procédé.

Pourtant, «de nombreux pays dans le monde utilisent cette technique, qui est reconnue par l’Or­ganisation internationale de la vigne et du vin, se défend Michael Mann, le porte-parole de l’exécutif européen pour les questions agricoles. L’objectif de la mesure est de donner aux producteurs européens les moyens de lutter à armes égales avec leurs concurrents étrangers, comme l’Australie ou l’Afrique du Sud». La conquête de nouveaux marchés, comme celui de la Chine, serait aussi en jeu. La levée de l’interdiction, votée à titre indicatif fin janvier, devra encore être confirmée le 27 avril. Après avoir donné son feu vert, le ministre de l’Agriculture français Michel Barnier a précisé vendredi qu’il «s’op­posait» à la proposition de la commission, «faute de moyens efficaces mis en place pour informer le consommateur sur le procédé de fabrication».

«Instiller la confusion»

Sur les coteaux de Provence, dans les domaines viticoles du Pays de la Loire et des Côtes-du-Rhône, l’exaspération est en tout cas à son comble. «Ces dernières années, nous avons travaillé dur pour faire savoir que le rosé, qui a longtemps été considéré comme de la piquette, est un vin à part entière, le fruit d’un savoir-faire historique, soupire Christian Paly, un viticulteur des Côtes-du-Rhône. La mise sur le marché de ces vins mélangés risque d’instiller la confusion dans l’esprit du public.» Les progrès techniques accomplis et la pédagogie semblent d’ail­leurs avoir payé : le vin rosé est une valeur en hausse depuis quinze ans (lire encadré ci-dessous) Désormais, les producteurs français redoutent notamment l’arrivée sur le marché de «la mescla» espagnole, un vin rouge clair, qui, par dé­rogation à la règle européenne, est issu d’un mélange avec du blanc.

Un vin inimitable

Au domaine de Trians, dans le Var, Jean-Louis Masurel est donc «fou de rage». Pour cet ancien directeur de Moët & Chandon mais aussi ex-dirigeant de LVMH, «le rosé de Provence a un parfum que personne ne peut égaler». Un vin «inimitable», selon les producteurs de Provence, qui sont soutenus par Hubert Falco, secrétaire d’État chargé de l’Aménagement du territoire. «Je suis révolté, indique le maire de Toulon. Les techniciens de Bruxelles m’agacent profondément. Je suis très mécontent, car notre vin va devenir un Coca-Cola avec des normes réglementaires ridicules.» Une indignation partagée par Charles Pi­card, gérant des Caves du Lu­beron : «C’est une honte, les soi-disant eurotechnocrates nous prennent pour des amateurs. Il ne faut pas qu’ils oublient que les colères des viticulteurs sont parfois violentes quand ils n’ont plus rien à perdre…»

Jugeant de son côté que toutes les pratiques œnologiques sont «respectables», le directeur général du centre interprofessionnel des vins de Provence demande un étiquetage très précis des bouteilles permettant de distinguer le vin coupé du rosé traditionnel. Une proposition sur laquelle la commission européenne assure qu’elle est désormais en train de «réfléchir».

Lien utile: Article original publié sur le site Le Figaro


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