Aurélie

Par Frédéric Romano
- René : Bonjour, comment vas-tu ?
- Moi : Heu… je vais bien…
- René : Ça ne te dérange pas si je te parle pendant le trajet ?
- Moi : Heu non, ca va…

Bonjour… Excusez-moi de vous déranger, ce siège est-il libre ? Ha ! Bien. Puis-je m’y asseoir sans vous importuner ? Ho ! Merci. C’est très gentil de votre part… Quel endroit bruyant tout de même ! Tous ces gens qui parlent et discutent… Ils ont l’air de s’amuser… C’est le plus important, s’amuser… Venez-vous souvent ici ? Je vois… Moi ? Ho non ! Je n’y vient pas souvent. Je ne sais pas si j’y suis le bienvenu et, pour tout vous dire, je n’aime pas trop l’endroit… Mais le temps se refroidi et j’avoue, ici ou ailleurs, un café me fait le plus grand bien… Voulez-vous me passer le sucre s’il vous plaît ? Oui là, juste derrière vous… Merci, vous êtes un ange… Tous ces gens tout de même, ils ont l’air bohêmes et tellement insouciants… Les voir boire et rire me réconforte quelque peu… Ils disent dans les médias que nous vivons une époque désenchantée… Eux m’ont l’air plutôt optimistes… Et vous ? Êtes-vous optimiste ? Je vois… Vous avez le visage tellement rayonnant… Sans l’ombre d’un doute, vous êtes une femme heureuse… Puis-je vous demander ce que vous faites dans la vie ? Ha ! Vous êtes étudiante en arts appliqués ! Voyez-vous cela ! C’est intéressant… J’aurais du m’en douter, la plupart des gens ici sont ou seront un jour des artistes… Moi aussi je le suis… Ha, ha, je vous vois sourire… Vous ne me croyez pas ? Je suis musicien, je compose et je joue du triangle… Pourquoi riez-vous ? Détrompez-vous, le triangle est horriblement difficile à jouer ! Ha, ha, ha, cessez de rire, vous allez me vexer ! De toute façon, la musique pour moi ne représente plus rien de concret, je n’en vis plus… D’ailleurs je ne vis de rien… Habitez-vous le quartier ? Ho oui ! Je vois très bien. Je ne vis pas loin de là… Ha, ha, ha, vous souriez à nouveau… C’est vrai, cette dernière réflexion était particulièrement stupide… je pourrais dire que je vis proche de tout le monde, partout où un banc plus ou moins propre peut m’accueillir… On s’y habitue… Nous vivons une époque difficile… Comment vous appelez-vous ? Aurélie ? C’est un bien joli prénom… J’espère, chère Aurélie, que je ne vous importune pas avec mes interminables discours ? Ho mais bien sûr ! Je comprends… Vos cours, c’est normal… moi je m’appelle Matisse et j’ai été ravi de faire votre connaissance… Peut-être vous recroiserai-je un jour, mais il est plus probable que ce soit dans la rue plutôt que dans une salle de concert… Ho non ! Laissez ! Je règlerai… Non, je vous en prie, c’est un réel plaisir et je ne me l’offre que trop rarement… Ne vous inquiétez pas… Vous êtes adorable… Filez, vos professeurs vont vous attendre… Merci beaucoup… Bonne après-midi à vous aussi.