«Ce n’est pas parce qu’on a soif d’amour qu’on doit se jeter sur la première gourde»
C’est samedi, on est à la mi-septembre, il fait 38°Celsius avec le facteur humidex, mon chum fait le mort sur le sofa, le soleil rose du petit-matin inonde la pièce, un pique-nique de filles s’impose donc !À la dernière minute et à la bonne franquette, la bande toute rassemblée au resto Délice sur Président-Kennedy à Lévis, soit après avoir mangé nos œufs&bacon et bu huit cafés lattés en ligne, on prend ma vieille Colt d’un bleuté douteux et la direction de Berthier-Sur-Mer’s beach, là ou tout me transporte de joie, comme c’était d’ailleurs le cas pour mon grand-père avant qu’il ne décède et me cède sa maisonnette.Ainsi, depuis cinq ans, c’est mon chalet et le refuge de mes amies.
Après avoir abordé le point G et s’être entendues toutes les quatre que ce n’était pas un bouton magique sur lequel on appuie pour atteindre immédiatement le nirvana, après avoir ingurgité une quatrième bouteille d’un Rouge Mont Rouge à 14,65$, on s’est mis à se faire des confidences sur la première fois qu’on a desserré les cuisses pour autre chose qu’un tampon ou un Dildo.
- C’était à un party où l’alcool coulait à flots, amorce Sabrine. À part ça, je ne me rappelle pas de grand-chose. Hormis que ma première fois, je l’ai fait avec un gars qui était tout aussi ivre que moi et pas plus amoureux de moi que je l’étais moi de lui. Pas génial, hein ?
D’un ton qui se voulait empathique, Doryane dit :
- Ne t’en fais pas, si ça peut te consoler un peu, moi aussi c’était assez pathétique. Ça faisait une éternité que je le pelotais. Je me disais à tort que si je le caressais partout sur le corps, il allait bien finir par comprendre que je voulais qu’il me gâte de la même façon, que j’étais fin prête à l’enfourner, mais pas du tout. Il a fallu que je faisse tout le travail, c’est-à-dire que je le déshabille, que je me déshabille, que je l’étale sur le sofa, que je m’agenouille sur lui, que je l’enfile, que je me remue, que je lui mette ses mains là où j’avais envie qu’elles soient. À vrai dire, et je n’exagère pas, il a fallu que je me fasse jouir toute seule tant le pauvre garçon est venu vite.
Pour cette fois-ci, Doryane n’allait pas avoir la révélation la plus croustillante du quatuor et la palme de la première fois la plus inusitée allait me revenir. Enfin, pendant un court laps de temps, c’est-à-dire jusqu’à ce que Clara raconte sa première fois !
- J’avais seize ans et demi, je fréquentais le même garçon depuis ma maternelle et ça m’irritait au plus haut point que ni l’un ni l’autre n’aient une expérience sexuelle. Donc, après avoir bien réfléchi et me sentant prête à me donner au chum, j’ai demandé au grand frère d’une bonne copine qui en pinçait pour ma forte poitrine et qui n’était plus puceau depuis belle lurette de m’initier aux plaisirs de la chair. Évidemment, c’était dans l’unique but de pouvoir ensuite en faire profiter pleinement mon amoureux. Eh oui ! Ai été déflorée par un gars de vingt-deux ans qui avait un corps de footballeur et une microscopique queue.
- Aïe ! s’écrie une Clara crispée. Les filles, vous êtes weird ! J’ai pratiquement l’air d’avoir vécu un conte de Walt Disney quand je compare ma première fois à la vôtre.
-Raconte pareil, dit Doryane. Ce sera à nous de juger cela.
- J’avais dix-huit ans pile, j’étais obsédée depuis très longtemps par l’idée de faire la chose, mais comme les gars me trouvaient autant bandante qu’une borne-fontaine, j’ai accepté sans problème de faire une pipe au premier mec que j’ai réussi à côtoyer de près. Après tout, il fallait bien qu’il me trouve assez à son goût pour me laisser entre les lèvres son pactole.
Morte de rire, je répartie :
- Mais son filon, ce n’était pas entre ces lèvres là que tu le voulais !
Clara sourit. Doryane soupire. Sabrine, déçue un peu, bredouille :
- Cela n’a rien à avoir avec les contes de Walt Disney !
-Mais oui, c’en est un ! se défend Clara. Parce que ma langue turbo l’avait drôlement épaté, il m’a présentée à son meilleur ami.
- Dominic ?
Clara nous fait un oui de la tête.
- Bravo ! Congratule une Doryane ironique.
Fous rires intenses…
Munie de mon seau et d’une canne à pêche, pendant qu’un poisson mordait à l’hameçon, je ne pus m’empêcher de scruter Doryane et Clara, mais surtout de lui demander :
- En passant, combien de fellation avant la vraie première fois ?
- Avec Dominic ?
Sabrine, probablement pour changer le cours de la conversation qui commençait sérieusement à prendre un bizarre de tournant, se penche et jette un coup d’oeil dans mon seau.
- Du poisson, combien as-tu pris ?
- Deux bars rayés et un doré pour l’instant.
- Tu aimes ?
- Tu veux savoir si je vais en manger ?
Clara tire sur sa cigarette de sorte que la fumée s’échappe en petits cercles.
- Jany, pour quelle autre raison les pêcherais-tu ? Intervient Doryane.
- Parce que ça m’amuse de les pêcher !
Même si l’engin que je manie n’a pas de gouvernail , juste une simple barre reliée au moteur, je suis fière d’être la seule d’entre nous quatre capable de conduire l’embarcation, et encore plus heureuse de ne pas avoir accroché le ponton qu’habituellement je cogne. Ah ! Si mon grand-père était encore vivant, il serait aux anges de nous voir toutes les quatre dans nos affreux gilets de sauvetage orange. Je crois surtout qu’il serait renversé de voir Doryane attriquée de la sorte et moi en train d’attacher son bateau aux crochets, appréciant le contact rêche de la corde sous mes doigts, tout comme lui autrefois, et, en plus, avec un récipient occupé de poissons.