Une étude suédoise confirme le rôle du gène du récepteur de la vasopressine.
Depuis des années, des chercheurs sont sur la piste du gène de la fidélité amoureuse. Chez le campagnol des prairies, la réponse est connue depuis 1993 : des scientifiques américains ont montré que la fidélité conjugale dépend chez le mâle de la vasopressine, une hormone capable d'agir notamment au niveau du cerveau. Et chez l'homme, une telle hormone a-t-elle un impact, se sont demandés des chercheurs suédois et américains ?
Sans cacher la complexité de la question de la fidélité chez l'être humain, Hasse Walum, Lars Westberg et leurs collègues estiment dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences américaine que la piste génétique mérite néanmoins d'être suivie.
Certes, les aléas de la vie humaine, les hasards des rencontres, les tabous sociaux ou religieux plus ou moins forts conditionnent les comportements amoureux humains. Mais rien n'empêche de supposer que tout cela puisse être modulé par des facteurs génétiques.
Les chercheurs ont donc comparé le gène du récepteur à la vasopressine chez 900 hommes qui vivaient de façon maritale depuis au moins 5 ans et étaient parents d'un enfant adolescent. Ces volontaires ont de surcroît accepté de répondre à un questionnaire détaillé sur leur vie de couple. Ils ont ainsi pu établir une corrélation entre certaines formes du gène de la vasopressine et le comportement conjugal. Ainsi, la forme du gène dite 334 est deux fois plus fréquente chez ceux ayant traversé de sérieuses difficultés conjugales. Elle est aussi deux fois plus fréquente parmi ceux qui ne s'étaient pas mariés.
Le mécanisme du jeu
Les réponses des compagnes sur la qualité de la relation de couple (fréquence des marques d'affection et temps passé à des activités communes) révèlent que les plus mauvais scores sont associés aux hommes présentant la forme 334 du gène du récepteur à la vasopressine. Par souci du respect de l'intimité, ils n'ont pas interrogé les hommes sur leurs éventuelles relations extraconjugales…
«Cette étude d'envergure est bien menée, précise Catherine Belzung qui dirige l'équipe Inserm imagerie et cerveau à Tours. Même si l'on ignore encore le mécanisme en jeu, cette nouvelle piste paraît intéressante.» Les auteurs supposent que cette forme génétique devrait être plus fréquente chez des célibataires endurcis. «Notre travail suggère déjà que les mécanismes cérébraux liés au comportement d'appariement chez l'homme semblent similaires à ceux, déjà très étudiés, du campagnol, précise Lars Westberg au Figaro. Notre objectif maintenant est de reproduire ces résultats et de tester chez l'homme l'effet d'injections intranasales de vasopressine.»
Aucun sens de la monogamie
Des chercheurs américains et canadiens en 2004 dans Nature avaient montré qu'un petit changement au niveau du gène du récepteur de la vasopressine pouvait modifier radicalement le comportement sexuel des campagnols. Ils se sont intéressés à deux sortes de campagnols. Les premiers, Microtus pennsylvanicus, n'ont a priori aucun sens de la monogamie. Les seconds, M. ochrogaster, sont eux d'une constance à toute épreuve. La clé de cette différence majeure tient à une hormone, la vasopressine. Pour savoir si la différence de comportement sexuel n'est liée qu'au récepteur de ce gène, ils l'ont modifié chez les polygames, de manière à ce que son taux augmente dans certaines parties du cerveau.
Le résultat ne s'est pas fait attendre : M. pennsylvanicus (le don Juan) s'est transformé tout de suite en un rongeur dévoué et fidèle regagnant son terrier tous les soirs.
Par Pierre Kaldy