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La fille du RER

Publié le 19 mars 2009 par Rob Gordon

La fille du RER

Un Téchiné est toujours un évènement, tant le cinéaste a su, film après film, trouver l'équilibre souvent parfait entre réalisme, intime et romanesque. Comme ses oeuvres précédentes, La fille du RER se situe à la croisée de ces genres, rappelant plus particulièrement le style des magnifiques Témoins. La comparaison s'arrête là : si Les témoins était un drame puissant, foudroyant, abouti sur la prise de conscience accompagnant la montée du SIDA, La fille du RER échoue en partie dans sa tentative d'exploiter un fait divers assez sordide. L'histoire de cette fausse agression antisémite avait inspiré une pièce de théâtre à Jean-Marie Besset, et c'est sur ce matériau que se sont basés Téchiné et Odile Barski (fidèle de Chabrol) pour écrire le scénario.
Justement, dans sa thématique comme dans son ambiance, le film sent parfois plus le Chabrol que le Téchiné. D'abord dans l'utilisation de la musique et de quelques effets vraisemblablement destinés à montrer le RER comme un lieu de danger, un décor de film noir. Or on n'est pas dans un polar, et ces partis pris sonnent comme une manipulation de la réalité, un chantage à l'émotion fort inhabituel chez le metteur en scène. Ensuite dans le déséquilibre de la construction, qui fait qu'un chapitre (nommé "Les circonstances") soit deux fois plus long que l'autre ("Les conséquences"), alors que ce dernier aurait dû être être au centre du film. Même si ce n'est sans doute pas là son but, Téchiné donne l'impression de perdre plus d'une heure à introduire ses personnages (dont quelques-uns semblent bien inutiles) et à trouver des circonstances atténuantes à son héroïne, avant d'expédier les conclusions de l'affaire, c'est-à-dire le battage médiatique, l'indignation des proches et des autres, et la façon dont la jeune femme tente de ne pas perdre la face. On ne saisit pas les intentions, pas plus qu'on ne comprend au final ce qui a pu intéresser les auteurs du script.
Semblant passer à côté de son sujet comme de ses personnages (qu'on quitte comme on les avait rencontrés, sans passion), Téchiné évite pourtant le naufrage par la grâce d'une mise en scène souvent juste (sauf dans les moments cités plus haut, qui se font de plus en plus rares à mesure que le temps passe) et d'une direction d'acteurs évidemment éblouissante. Emilie Dequenne est extrêmement troublante, préférant à la noirceur une normalité laissant bien plus perplexe. Face à elle, Nicolas Duvauchelle évolue dans un registre plus attendu, mais il joue les petits durs avec une force de persuasion intacte. Les autres ne sont pas mal non plus, et parviennent épisodiquement à faire exister des personnages pourtant bien fantomatiques. Si un mauvais Téchiné reste un film fréquentable, on espère voir le grand Dédé nous revenir dès son prochain long-métrage, dont on attend plus d'épaisseur, de rigueur et d'élan.


5/10
(autre critique sur Sur la route du cinéma)


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