Aux frontières du réel avec David Toscana

Publié le 20 mars 2009 par Caroline

Le Mexique était à l’honneur au Salon du Livre et parmi les auteurs invités, il y avait David Toscana dont l’unique ouvrage traduit en français est El último lector chez Zulma et que j’ai eu le plaisir de rencontrer et d’interroger. Je ne vais pas résumer le roman ici, d’autres l’on fait mieux que moi, sinon dire qu’il est question d’une fillette assassinée découverte au fond d’un puits, d’un bibliothécaire qui cherche et trouve la réalité dans les livres et d’un pays esquissé en toile de fond avec ses sombres histoires d’enlèvements et de police corrompue.
David Toscana confie être hanté depuis l’enfance (il est né en 1961), par le mythe de la petite fille enlevée car c’était une actualité qui existait déjà au Mexique, inconnue chez nous. Des affichettes dans les rues servaient d’avis de recherche. Comme les photos étaient rares le plus souvent, c’était la photo prise lors de la communion, en habit blanc donc, qui servait d’appel à témoins. Il pensait naïvement qu’il arriverait, un jour, à en retrouver une, comme ça, en la croisant dans une rue de sa ville. David Toscana, habité par ces disparitions depuis si longtemps, ne peut s’empêcher d’y faire allusion plus ou moins fortement dans chacun de ses livres.
Dans El último lector , la petite fille découverte au fond d’un puits n’est que le fil conducteur à une longue réflexion sur la frontière entre la fiction et la réalité. Lucio, le bibliothécaire, met en parallèle continuellement ce qu’il y a dans la vie, dans sa vie, et dans les livres qu’il a lus. C’est comme ça que la petite Anamari, puisque c’est ainsi que s’appelle la la fillette disparue - et certainement celle trouvée au fond du puits - devient Babette, l’héroïne d’un roman Un automne à Paris d’un certain Pierre Lafitte, disparue aussi et dont on saura jamais ce qu’il est advenu d’elle.
David Toscana est interrogé sur son rapport qu’il a avec la fiction, car, à un moment il fait dire à un de ses personnages :

… écrire n’est pas vivre et lire ne l’est pas non plus.

Il s’en défend. Pour lui, la fiction, alors qu’on est abreuvé d’images d’actualité, permet d’avoir un regard plus clair sur la réalité, elle alimente notre perception du monde. Le livre parle à l’intime du lecteur.
D’autres questions ont été abordées. Celle la littérature mexicaine, bien sûr, sous un angle légèrement différent par rapport à tout ce qu’on a pu lire dans les journaux à l’occasion du Salon du Livre : Le peu de lecteurs au Mexique, le prix du livre qui y est prohibitif, l’influence des US si proches.
Ce roman n’est pas un polar, car l’enquête est reléguée très rapidement au second plan. L’univers y est borgésien, mais aussi David Toscana décrit une société mexicaine contemporaine, par touches discrètes mais acérées à travers le mur fictionnel bâti par le bibliothécaire.

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