Magazine

Le fil d'Ariane

Publié le 19 mars 2009 par Chatperlipopette

Véronique est psychothérapeute dans un hôpital de jour, Orion est un garçon psychotique de 13 ans (au début de l'histoire). Leurs chemins se croisent pour devenir un sentier commun à la recherche d'une île Paradis, porte ouverte sur un monde dans lequel Orion pourra enfin vivre.
"L'enfant bleu" est le récit d'une cure, est l'histoire d'un enfant et de son thérapeute et est la métamorphose d'un garçon psychotique en un artiste reconnu. Le long chemin vers la création et la vie quotidienne avec le handicap est celui que les deux héros romanesques vont vivre, expérimenter souvent dans la douleur, parfois dans le bonheur d'un pas de plus franchi vers une liberté.
Véronique en apportant des couleurs, des feuilles blanches et du temps intime à Orion lui offre un fil d'Ariane pour sortir de son labyrinthe, pour maintenir le démon le plus loin possible, ce démon de Paris qui peut lui sauter dessus au moment le plus inattendu.
Orion , un beau prénom porté par un chasseur d'une folle beauté, demi-dieu grec, poursuivi par un scorpion comme le jeune Orion est poursuivi par un démon qui provoque chez lui des gestes de violence. Seuls les trois cents chevaux blancs peuvent le faire fuir et libérer Orion de son emprise, comme si les chevaux de l'aurore dissipaient les nuages sombres de sa nuit.
Au fil des séances, le labyrinthe emprisonnant le Minotaure prend une dimension particulière: Orion dessine souvent un Thésée triste, un Minotaure au regard doux, comme s'il se voyait dans chacun d'eux...Orion n'est pas réjoui de la fin du Minotaure, du monstre du labyrinthe, car ce dernier n'est pas monstre de son plein gré, le regard d'autrui a construit son image de monstre et
l'a enfermé dans une catégorie, une boîte d'où on ne peut s'évader sans mourir un peu.
Lorsque le labyrinthe n'a plus lieu d'être, l'île Paradis reprend ses droits, ses couleurs, ses paysages, ses personnages, même si un requin rôde de temps à autre....le démon de Paris n'est pas vaincu, il reste tapi longtemps avant de ressurgir et de faire danser "La danse de St-Guy"! L'île ponctuée des dictées d'angoisse lors desquelles les rôles sont inversés: Véronique écrit et Orion valide ou non l'orthographe, éloignant peu à peu le terrible "Que de fautes! Que de fautes!" antienne maternelle qui scande une réalité difficile à appréhender par Orion. La normalité ne passe pas forcément par la belle orthographe, la grammaire des couleurs, des traits de crayons, pastels, pinceaux est aussi importante et essentielle au monde.
A l'image d'une thérapie, l'histoire commence lentement, le temps d'une mise en confiance, le temps de mieux s'appréhender, se connaître: le lecteur apprend à regarder autrement les personnages, à aller au-delà du miroir. Puis, le rythme prend de l'ampleur, le souffle s'accélère, malmené par les douleurs dues aux transferts, aux désordres incontrôlables d'Orion qui se démène dans ses souffrances, désespérant d'en trouver l'issue. Véronique, son passé et ses doutes sont autant de chaos subtils pouvant faire basculer l'orientation d'Orion: la ligne est tellement ténue, fragile, entre la folie créatrice et la folie destructrice que chaque fêlure peut entraîner une catastrophe, le chaos d'un monde en perpétuel équilibre.
Henry Bauchau avec "L'enfant bleu" explore une partie de l'âme humaine que l'on aimerait ne pas voir, ne pas saisir parfois parce qu'elle dérange: le handicap qui ampute une vie de ses possibilités les plus élementaires...une vie sociale, une vie amoureuse, une vie professionnelle, une autonomie, un chemin de liberté. Avec subtilité, simplicité et une écriture tout en poésie, l'auteur montre combien la route vers la dignité est âpre, amère parfois, mais aussi radieuse lorsque Orion peut enfin dire "On veut rester avec toi, Madame, mais je dois partir...tu comprends? (...) Faut pas, Madame, aujourd'hui, je peux payer moi-même." Il n'y a pas le miracle de la guérison, seulement une victoire sur soi-même, existante malgré sa fragilité certaine. Et c'est ce qui donne une intensité émotionnelle et littéraire à ce roman déroutant mais d'une beauté indicible que le lecteur, qui a été patient, vit intensément. Un roman dont on se souvient longtemps après sa lecture!

Les avis de gambadou sylire beatrix chimère


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Chatperlipopette 38 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog