Photo: Jessica TheisUn film singulier, énigmatique, empreint d'une sombre mélancolie, transcendé par les chansons incroyablement denses des Tiger Lillies. Tourné au Luxembourg en 2007, "Luftbusiness" a-t-il valeur prémonitoire? On y voit des lieux familiers envahis par une armée de SDF et de marginaux, des montagnes de détritus, on y voit des hommes d'affaires au pied de la Chambre de Commerce touchant la bosse d'une clocharde pour que ça leur porte chance, on y voit des êtres en perdition qui n'attendent plus qu'une chose: mourir. L'histoire tourne autour de trois amis, trois jeunes marginaux, qui un jour décident de mettre aux enchères sur ebay des biens pour le moins inattendus: pour l'un, ses années de vieillesse, pour l'autre, ses souvenirs d'enfance et pour le troisième, son âme. Ce qui n'est qu'un jeu, au départ, pour les jeunes gens, les plonge bientôt dans une spirale infernale. L'argent que vient leur apporter une messagère express signifie en effet qu'ils ont trouvé acquéreur et que chacun devra s'acquitter de son dû.Le film offre une vision stylisée d'une société post-civilisationnelle, cruelle, asphyxiante et clinique, un univers où chacun est laissé pour compte et où les humains semblent résignés à l'injustice et à la déchéance.En même temps, la réalisatrice pose un regard tendre et aimant sur une jeunesse abusée et désabusée, exploitée jusqu'à en perdre sa légèreté de funambule.Plusieurs choses intéressantes dans cette oeuvre : - l'interprétation, en particulier celle du jeune Tomas Lemarquis, à la fois vulnérable et inquiétant, aérien et destructeur. A noter également, dans un second rôle, Thierry van Werweke, émouvant et tragi-comique.- une réflexion subtile sur le capitalisme et la spéculation à outrance qui le mine - une façon très belle de filmer la ville et de donner de la poésie à ses différents espaces- les chansons extraordinaires d'un groupe que je ne connaissais pas, les Tiger Lillies