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Vous avez dit « républicain » ?

Publié le 19 mars 2009 par Alainlecomte

restablet.1237482486.JPGbaudelot.1237482464.jpgChristian Baudelot et Roger Establet sont deux sociologues spécialistes de l’école qui font mouche à chacun de leurs ouvrages, depuis le premier, « L’Ecole Capitaliste en France », ecole_capitaliste_france_c_baudelot.1237482534.JPGqui assénait un bon coup aux idéalistes qui s’imaginaient encore que l’école française était celle de l’égalité des chances, jusqu’au dernier, « L’élitisme républicain » , portant en sous-titre « L’école française à l’épreuve des comparaisons internationales », paru très récemment dans la collection « La République des Idées » au Seuil, et qui enfonce le clou : non, malgré toutes les proclamations de républicanisme, notre école n’est pas égalitaire, loin s’en faut et… disons-le carrément : elle est une des plus mauvaises parmi les pays comparables de l’OCDE.

Entre temps, il y avait eu « Le niveau monte », livre écrit afin de démentir cette antienne qui court toujours concernant un « niveau » qui n’en finirait pas de descendre, et surtout « Allez les filles ! » écrit en forme d’encouragement aux élèves de sexe féminin dont le taux de réussite scolaire est meilleur, dans l’ensemble, que celui des garçons (même à l’Université) et qui pourtant… se trouvent toujours destinées aux mêmes orientations (occupation des enfants, école primaire, métiers du social) alors que leurs compétences allez-les-filles.1237482552.pngdevraient leur ouvrir les portes de toutes les branches où sont censés s’illustrer leurs camarades masculins.elitisme.1237482506.jpg

Le dernier ouvrage des deux compères sociologues remet quelques idées à leur place :

-il est faux de croire qu’il est possible de dégager « une élite » en laissant à leur triste sort la masse des rejetés du système : les chiffres de l’enquête PISA le montrent, « l’élite est bonne quand la masse n’est pas mauvaise ». Les courbes sont parlantes : dans un graphique représentant chaque pays par deux coordonnées, l’une, verticale, portant la proportion d’élèves très forts, l’autre horizontale, portant le pourcentage d’élèves très faibles, on a, en haut à gauche : Corée du Sud, Finlande, Suisse, Belgique, Pays-Bas (proportion d’élèves très forts élevée, mais proportion d’élèves très faibles basse), en bas à droite : Italie, Grèce, Turquie, Mexique. La France est au milieu (donc : peut mieux faire…).

-Il est vain de croire dans les vertus du redoublement. En ce domaine, la France détient le record. Or, les pays qui ont les meilleurs résultats à l’enquête (Corée, Japon, Islande) n’ont quasiment pas de redoublement. C’est le redoublement à haute dose qui, semble-t-il, plombe le système français du point de vue de ses résultats globaux : les redoublants s’améliorent en effet très peu, en général.

-La France n’est pas le pays de l’égalité réalisée par l’école, où celle-ci compenserait les inégalités de départ dues aux inévitables différences de « capital culturel » familial. Au contraire, il y a moins d’écart de réussite scolaire entre un fils d’ouvrier et un fils de cadre japonais, suédois ou sud-coréen, qu’en France entre un enfant de cadre intellectuel et un enfant d’ouvrier. La France serait ainsi « le paradis de la prédestination sociale ».

-Il est faux que « les enfants d’immigrés feraient baisser le niveau ».« Il n’existe pas de corrélation positive entre les proportions d’élèves issus de l’immigration et l’ampleur des écarts de performance entre eux et les élèves autochtones ». « pas de relation statistique significative entre le pourcentage d’autochtones et les performances moyennes de chaque pays en compréhension de l’écrit, en mathématiques ou en culture scientifique ».

« L’école française, concluent Baudelot et Establet, est trop et trop tôt sélective. Elle demeure au XXIème siècle otage des idées qui l’ont vue naître à la fin du XIXème : distinguer une petite élite sans se soucier d’élever significativement le niveau des autres. Pour certains, peu nombreux, la méritocratie scolaire est une course aux meilleures positions ; pour d’autres, très nombreux, elle se traduit par une relégation rapide et désormais particulièrement coûteuse sur le marché du travail ».

Or, cette manière de penser s’est vue affublée d’un nom : « élitisme républicain », comme si la seule vertu d’un qualificatif allait métamorphoser une idéologie néfaste en quelque chose de bon !
La brochure des deux sociologues rejoint dans sa conclusion l’article publié dans « le Monde » du 10 mars (« les 16-25 ans, génération qui a perdu foi en l’avenir ») qui faisait état d’un rapport fourni par un autre sociologue, Olivier Galland, selon qui :

« Toutes les enquêtes montrent que la jeunesse française va mal. Les jeunes Français sont les plus pessimistes de tous les Européens. Ils n’ont confiance ni dans les autres, ni dans la société. Ils apparaissent repliés sur leur classe d’âge et fatalistes. ».

Dans les deux cas, les causes du malaise sont identifiées :

« le modèle méritocratique ne fonctionne plus dans une école de masse qui doit gérer des talents et des aspirations scolaires de plus en plus diverses. L’obsession du classement scolaire, qui est à la base de l’élitisme républicain, la vision dichotomique de la réussite qui sépare les vainqueurs et les vaincus de la sélection scolaire, mais également la faillite de l’orientation, aboutissent à un système qui élimine plutôt que de promouvoir le plus grand nombre », dit O. Galland.

« Disons-le d’emblée, disent Baudelot et Establet, la plupart des problèmes identifiés par cet exercice de comparaison à grande échelle pointent un même ensemble de causes : l’élitisme républicain de notre école, sa culture du classement et de l’élimination précoce, sa tolérance aux inégalités et à leur reproduction. »


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