Les racines musicales de l’Amérique profonde ( folk/country/blues) véhiculent un cliché récurrent: on voit instantanément un mec en chemise à carreaux, jean délavé ceinturé avec une grosse boucle à tête de buffle, en santiags et chapeau de cow-boy, grattant sa guitare en chantant sa solitude après avoir ingurgité un pack de bière. On entend, instantanément aussi, des banjos, des pedal steel, de l’harmonica… Ce stéréotype a largement évolué puisque grâce à l’AMA, on parle désormais d’Americana pour élargir le champ à des artistes mêlant aux sons traditionnels des genres pré-cités, le rock, le rhythm & blues et même le gospel voire aussi la pop.
C’est un peu l’évolution de l’Amérique de Bush, caricature de texan né dans le Connecticut, à celle d’Obama, chicagoan et d’origine kenyane, symbole d’un métissage dynamique.
De fusion folk/country/blues/rock, il est donc question dans la playlist que je vous propose aujourd’hui, avec des artistes qui sont les dignes héritiers d’un patrimoine très riche et exécuteurs d’un testament encore inachevé.
En tout cas bien plus élégants que le modèle péquenot (sic!) décrit précédemment !
1- " Lay Down in the Tall Grass " - TIMBER TIMBRE
Exception qui confirme la règle que tout disque labellisé Americana devrait être fait par des américains, c’est un canadien de Toronto qui ouvre cette playlist avec ce titre sorti en Janvier 2009 sur son troisième album éponyme.
La voix veloutée et intense de Taylor Kirk domine le rythme d’un organe sautillant très entêtant.
Voir l’article très complet d’Obscure Sound.
2 - " Too Sick To Pray " - PHOSPHORESCENT
Avec son 5ème album "To Willie", le New Yorkais Matthew Hourk poursuit son épopée folk en rendant hommage à une figure importante de la country,Willie Nelson, guitariste, compositeur et chanteur qui vient lui aussi de sortir un album de 12 classiques de Western Swing ( Willie and the Wheel).Ce titre figurait sur son album « Spirit » sorti en 1996.
3 - " Midnight At The Movies " - JUSTIN TOWNES EARLE
Avec son 2ème album "Midnight at the Movies", cet américain s’affirme de plus en plus comme le fils de son père, Steve Earle, un des personnages clés de l’alternative country, qui lui aussi va sortir en mai 2009 son énième disque "Townes" nommé sans doute en double clin d’œil, d’abord à son ami, Townes Van Zandt , autre artiste country mort en 1997, et peut-être un petit peu à son fils. Justin,lui, prend une tangente plus folk, moins rock rebelle que son père.
4 - " Willow Tree " - CHAD VANGAALEN
Bidouilleur solitaire de chansons pop, le canadien dévoile un univers un peu plus mélancolique avec son 3ème album "Soft Airplane" sorti en Septembre 2008. Il dessine aussi les pochettes de ses albums.
La présence d’un instrument basique de la country, le banjo, me donne l’occasion de mettre ce titre dans cette playlist. Très présent, il laisse quand même la place à la voix fragile, cassée mais presque enjouée de Chad Vangaalen qui parle pourtant de mort.
5 - " Charlie Darwin " - THE LOW ANTHEM
Sorti en Septembre 2008 sur le LP "Oh my God, Charlie Darwin", le trio de Providence l’a ressorti en single le 12 Février 2009, jour de commémoration de la naissance de Darwin (200 ans).
C’ est ce morceau qui a amené les comparaisons avec Fleet Foxes ( la voix claire de Ben Knox Miller, les chœurs).Reposant uniquement sur une guitare acoustique et un harmonica, c’est un pur moment de folk.
6 - " Ease Back " - AMOS LEE
Autant son premier album en 2005 avait des accents jazzy avec notamment la présence de Norah Jones et la caution du label Blue Note, autant "Last Days at the Lodge" son 3ème album paru en 2008, retrouve tous les accents de la folk country, très proche d’un Neil Young. La voix de l’américain de Philadelphie est plus chaude, moins nasillarde que son aîné, mais l’héritage est là!
7 - " When we Embraced " - MICAH P.HINSON
Né pourtant dans la capitale du rock n'roll, Memphis, Micah Paul Hinson poursuit son petit bonhomme de chemin country folk avec son 3ème album "Micah P. Hinson & The Red Empire Orchestra" sorti l’année dernière. Son 2ème album en 2006 s’appelait "Micah P.Hinson and the Opera Circuit". Folie de grandeurs instrumentales? C’est pourtant accompagné d’un seul autre musicien que j’avais pu le voir sur la petite scène de la Route du Rock à l’été 2008.
Personnage touchant et attachant, à la grosse voix caverneuse à la Johnny Cash.
8- " Dry Grass & Shadows " - ALELA DIANE
La petite chérie des français était en couverture du N°1 du magazine bi-mensuel Eldorado, nouvelle extension du label français Fargo qui œuvre beaucoup pour la découverte de ce côté-ci de l’Atlantique d’artistes folk/rock américains.
La légende était "Alela Diane et sa tribu folk" : on l’a effectivement vue au festival des Inrocks en Novembre dernier avec son père à la guitare et Mariée Sioux, copine de longue date et avec qui (avec Emily Jane White aussi) elle représente la nouvelle garde des chanteuses folk. Depuis, elle a sorti son 2ème album "To Be Still", en reprenant des titres dont celui -ci, déjà présents sur un EP sorti en 2006 "Songs Whistled through White Teeth".
Plus abouti que sur le premier "The Pirate’s Gospel" avec sa belle voix plus afirmée aussi.
9- " Epistemology " - M.WARD
Même si la parenthèse She & Him ( cf playlist Tropiques) n’est pas fermée (Zooey Deschanel est apparue à un concert donné le 4 mars dernier à Los Angeles) Matthew Ward, est revenu en Février avec son 6ème album solo "Hold Time".
Sous le titre savant d’épistémologie , M.Ward dit "...and if you’re trying to sing an old song, you’re getting all the words wrong, well, you’re just a following along too closely in the book…".
Fort de son héritage musical (son père écoutait Johnny Cash et sa mère du classique), il réussit sur ce titre avec des violons discrets derrière la rythmique blues/rock, une parfaite symbiose très americana donc.
10 - " Mutiny " - WILLIAM ELLIOTT WHITMORE
Pour finir en remontant à la source de toute l’Americana, je voulais mettre un vieux de la vieille, génération Johnny Cash toujours vivant: SeaSick Steve ? vu en 2007 aux Inrocks. Tony Joe White ? invité sur le nouvel album du français Alif Tree "Clockwork". Ramblin’ Jack Eliott?
Mais voilà, "Animals in The Dark" est sorti en Février, et je tenais avec Will Whitmore toutes les données de cette Americana, fidèle à ses origines quitte à en exhumer tous les codes:
Un jeune ( 31 ans) américain, authentique fils de péquenot de l‘Iowa ( paysan dans son sens non péjoratif ), avec une voix rageuse parfaite pour une "protest song" comme "Mutiny" et rocailleuse à souhait à la Tom Waits.
L'Amérique de Joe Dassin, fait toujours rêver.
A bientôt, avec une humeur différente !