Le feulement des réacteurs accompagne la version aérienne du "petit déjeuner continental" (sucré, salé, chaud, froid). Il est peu après 7h30, siège 12D d'un Airbus A318 d'Air France en route pour le Maroc, trois heures de vol.
En approche, la première impression est : "C'est vert !", plus vert que je ne l'imaginais. J'apprendrai plus tard que le Maroc aride est aux portes de Marrakech. Ici, c'est l'influence atlantique, la brume de mer matinale.
Et les conséquences bourgeonnantes d'un hiver pluvieux.
Casablanca : pour moi, un mythe. Celui de maisons blanches, de foules compactes en burnous et jellabas, un air de piano intemporel, un homme qui aime encore une femme qui a renoncé à lui. La France, aussi, celle des pages d'une histoire sombre et glorieuse.
Casablanca l'européenne, ville africaine au rivage atlantique.
Les immeubles des années 50 cotoient les récents buildings de verre des banques et des industries. Cela n'empêche pas l'absence quasi-totale de trottoirs, ou, quand ils existent, fleuves de petits carreaux posée sur du sable ("sous les trottoirs, la plage" : c'est ici vrai !), incomplets, déchirés, troués. A côté d'un flot de Logan neuves, de vieilles guimbardes improbables discutent la route à une âne tirant sa charrette. Au carrefour, la population mêle sans logique apparente burnous, voiles, uniformes d'écoliers, costumes cintrés et mini-jupes cheveux au vent : l'injonction vestimentaire se nourrit de tant de sources, sans qu'aucune ne l'emporte (hormis dans les quartiers populaires, plus traditionnalistes), qu'il en résulte une impression de joyeux désordre, éclat de rire permanent à la face des tristes sires. Un confluent qui n'est pas sous influence : j'aime beaucoup.
Côté circulation, c'est l'anarchie. La signalisation routière, hormis quelques rares feux, ressemble à une aimable suggestion du préfet de police : lignes blanches, clignotants, stop - autant d'accessoires devant le couple originel de l'appel de phares et du klaxon. Joyeusement jouissif la plupart du temps, sauf quand la droite est occupée par un bus vert clair et blanc (d'anciens modèles de la RATP rebaptisés) et la gauche par une mobylette pétaradante - et fragile.
(à suivre)