Etre membre de l'OCDE (Organisation de coopération et développement économique) ( ici ) ne vous met pas non plus à l'abri des coups tordus. Bien que membre de l'OCDE depuis l'origine,
la Suisse vient d'en faire l'expérience, ce qui montre bien que transparence et moralité sont exigés des autres mais ne s'appliquent pas à soi-même.
L'OCDE est le fruit d'une convention signée le 14 décembre 1960 par vingt pays "attachés aux principes de la démocratie et de l'économie de marché" en vue de :
- Soutenir une croissance économique durable
- Développer l’emploi
- Elever le niveau de vie
- Maintenir la stabilité financière
- Aider les autres pays à développer leur économie
- Contribuer à la croissance du commerce mondial
Les 20 pays fondateurs - dont la Suisse il faut le souligner - ont été rejoints par dix autres pays au fil du temps. Notons que l'OCDE, dont le budget est de 343
millions d'euros, est financée ( ici ) à 25% par les Etats-Unis, à 16% par le
Japon, à 9% par l'Allemagne et à environ 7% chacun par le Royaume-Uni et par la France. Parmi les 5 plus gros contributeurs de l'OCDE on retrouve donc les 3 mauvais élèves que
j'épinglais récemment (voir mon article Le non au secret bancaire des mauvais élèves : E.U., France, Allemagne ). Ce n'est
évidemment pas un hasard.
Le G20 ( ici ), créé en 1999, est "un forum informel de discussion ouverte et constructive entre les pays industriels et les pays
émergents sur les problèmes-clés relatifs à la stabilité économique globale". Ouf ! Le G20 réunit les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales des pays membres. La
Suisse n'a pas été considérée digne d'en faire partie : trop petite, mon ami !
Il est intéressant de constater que le G20 compte dans ses rangs des pays qu'il est difficile de qualifier de
démocratiques, tels que l'Arabie Saoudite et la Chine, et 7 membres qu'il a en commun avec l'OCDE : l'Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la
France, l'Italie, le Royaume-Uni et la Turquie. L'Union européenne occupe de surcroît un siège, le vingtième, de ce forum informel. Parmi les 7 membres communs à l'OCDE et au G20 on
retrouve les 3 mauvais élèves - en gras - cités plus haut : ce n'est pas non plus un hasard.
Tout forum informel qu'il est le G20 a demandé à l'OCDE de dresser une "liste noire" des pays et territoires jugés non "suffisamment" coopératifs en matière de fiscalité ( ici et ici ). Ce que l'OCDE, le doigt sur la couture du pantalon, s'est empressée de faire sans en parler aux membres concernés.
Une fois établie cette liste, l'organisation l'a adressée le 5 mars dernier au ministre britannique des Finances, Alistair Darling, représentant le G20, grand adversaire du secret bancaire
et de l'évasion fiscale ( ici ). Comme quoi on
peut avoir un patronyme charmant et être un fieffé hypocrite. Suivez mon regard du côté des îles anglo-normandes...
Sur les 46 pays de cette "liste noire" ayant "fait des efforts insuffisants dans l'application de standards fiscaux internationaux", la Suisse figure parmi les 29 plus mauvais élèves, en
compagnie de l'Autriche notamment. Cette information, diffusée lundi 16 mars sur le site du Tages Anzeiger ( ici ), n'a pas plu à Doris Leuthard, Conseillère fédérale en charge de l'économie. Elle a envoyé ce jour une lettre de protestation s'indignant que l'OCDE
n'ait même pas cru bon d'informer la Suisse qu'elle la mettait sur sa liste de paradis fiscaux aux bons soins du G20.
Doris Leuthard avait sympathisé, lors du World Economic Forum de Davos en janvier dernier, avec le Secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria (photo ci-dessus). Avant cette révélation peu
reluisante sur le comportement douteux de l'OCDE, ce dernier avait déclaré le 15 mars, histoire de saluer la décision de la Suisse - à l'instar de l'Autriche et du Luxembourg - d'écorner
singulièrement le secret bancaire un vendredi 13 :
"A l'heure où les pays du monde entier ont besoin d'optimiser
leurs recettes fiscales pour faire face à la crise économique mondiale, ces déclarations constituent une avancée décisive" ( ici )
Il s'était bien gardé de déclarer que, 10 jours avant cette
avancée décisive, il poignardait la Suisse dans le dos.
"Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m'en charge !"
disait un dénommé Voltaire.
Nous sommes bien entrés dans une ère de trahisons...
Francis Richard