Sous le titre « les identités meurtrières », il y scrute en détail les ravages de l’identification excessive à une communauté, religieuse ou territoriale, qui sert de fondement à des luttes révélant d’autres enjeux. La qualité de son regard fait qu’il embrasse, certes, les événements du Proche-Orient vécus de près, mais aussi tous les avatars identitaires ou communautaristes, de l’Irlande à l’Espagne ou à l’Italie du Nord. Lire la suite...
Pierre Regnault
Or, dit-il, ce n’est pas le sentiment religieux qui produit l’intolérance mais l’intolérance des intérêts du moment qui s’accroche au religieux pour se donner une légitimité de façade. « Aucune religion n’est dénuée d’intolérance, écrit-il, (mais) si mes ancêtres avaient été musulmans dans un pays conquis par les armées chrétiennes, au lieu d’avoir été chrétiens dans un pays conquis par les armées musulmanes, je ne pense pas qu’ils auraient pu continuer à vivre depuis quatorze siècles dans leurs villes et villages, en conservant leur foi. Que sont devenus, en effet, les musulmans d’Espagne ? Et les musulmans de Sicile ? Disparus tous, jusqu’au dernier, massacrés, contraints à l’exil ou baptisés de force ». Quand on pense au pamphlet nauséeux écrit par de Villiers sur l’islam (voir mon article du 9 mai 2006), on remet les faits à leur juste place et la question du respect des étrangers se comprend différemment.
Avec sagesse, Amin Maalouf remarque que la situation sociale d’une époque répond plus aux enjeux qui lui sont propres qu’à ceux que les contemporains auraient hérités. Et de reprendre ici la très belle citation de Marc Bloch, l’historien juif mort en déportation : « Les hommes sont plus fils de leur temps que de leurs pères ».
Finalement, pour revenir à l’identité, la vérité est bien de considérer que, comme la carte du même nom, elle est un objet strictement personnel au croisement de références héritées, de solidarités éprouvées et de la somme des expériences qui font une vie.