Une école pour les enfants touareg

Publié le 03 septembre 2007 par Willy
  par Okan Germiyan - http://agoravox.fr/

La France vient de clôturer une longue période d’élections nationales durant laquelle, les enjeux européens et internationaux ont été très largement écartés du débat politique. Et bien que le codéveloppement ait été un des rares thèmes abordés par un ou deux candidats à l’élection présidentielle, peu de cas a été fait sur l’éducation des enfants d’Afrique. Or, ils sont l’avenir des pays en voie de développement et le destin des pays post-industriels est indissociable du leur.

Parmi ces enfants, il y a ceux du peuple touareg. Au sud-ouest du Sahara, c’est là que se trouve le royaume sans frontières de ces fiers nomades. Ils vivent depuis des millénaires dans cette région où les précipitations annuelles ne dépassent pas les 130 millimètres. Cette zone, située au nord du Mali, reste largement dépourvue en infrastructures de base : pas d’hôpital et peu de dispensaires, pas de routes goudronnées mais des pistes (quand elles sont marquées), très peu d’écoles : une vingtaine dans toute la région dont la majorité n’est pas fonctionnelle actuellement.

Pour les Touareg, l’avenir de leurs enfants est le plus important. Mais malgré les efforts des gouvernements successifs du Mali, la région du Nord-Est, dont le chef-lieu Kidal est à 1 600 kilomètres de la capitale Bamako, pâtit d’infrastructures scolaires de base. Face à cette carence soulignée par les habitants eux-mêmes, des acteurs du monde associatif agissent pour coordonner les initiatives de tous ceux et celles qui, au Mali, en France et ailleurs, souhaitent apporter leur soutien à la création et au fonctionnement d’écoles communautaires à destination des enfants nomades des campements touareg.

Ainsi, deux écoles ont été édifiées respectivement à Tabankort (en 2003), dans la région saharienne comprise entre Kidal et Gao, et à Tamataïlalt (en 2004), au nord de Kidal dans la région de l’Adrar des Ifoghas (voir carte ci-dessus). En tamasheq (langue touareg), Adrar signifie montagne. Le nom ifoghas est celui de la tribu touareg "Kel Ifoghas" qui exerce depuis plusieurs générations un rôle politique majeur dans la région. Ce sont, en quelque sorte, les "aristocrates" du peuple touareg, mais avant tout des éleveurs de chameaux, de chèvres et de moutons dont ils font le commerce.

Les deux écoles ont vu le jour grâce une entente franco-touareg représentée par une association, Akassa Sahel (Akassa voulant dire pluie en tamacheq). Celle-ci a permis de concentrer les efforts des contributeurs maliens, touareg et français en vue de fonder la première école à Tabankort, qui compte actuellement 153 élèves (dont 20 % de filles) répartis en six classes avec trois enseignants. La seconde école à Tamatlaïlalt, si elle a pour objectif d’offrir un enseignement aux enfants touareg, propose avant tout de nourrir et de vêtir ces mêmes enfants. Sachant qu’ils ne pourraient pas suivre un enseignement régulier avec la culture nomade touareg, les élèves sont à l’école pendant que les parents accomplissent leurs obligations pastorales.

L’année dernière, l’école de Tamatlaïlalt comptait une classe trente-quatre enfants dont huit filles. Bien que sa capacité d’accueil soit plus limitée et modeste que celle de Tabankort, l’école des enfants touareg a gagné la confiance des habitants de la région. Les élèves sont nourris et logés à l’école et les parents ont l’assurance que leurs enfants reçoivent le nécessaire pour leur bien-être et leur avenir. L’unique enseignant de l’école, un homme expérimenté lui-même touareg, fait de son mieux pour donner un bon enseignement de base aux élèves dans le respect des traditions et de la culture locales. Depuis 2005, l’école a ouvert un premier niveau, puis un deuxième niveau l’année d’après et s’apprête à ouvrir un troisième niveau cette année. L’école fonctionne donc bien et le nombre d’élèves est passé de 33 la première année à 54 la deuxième et plus encore en octobre 2007.

Fin 2005, l’association Akassa Sahel a poursuivi ses efforts en acheminant par un camion Berliet, depuis la France jusqu’au nord-est du Mali, de nombreux ouvrages scolaires à destination de l’école de Tamatlaïlalt, ainsi que des tables et des chaises qui seront installées dans les nouveaux bâtiments. En effet, les élèves dépendent de l’aide extérieure via l’association et des efforts locaux pour l’acheminement des fournitures et l’achat des denrées alimentaires. Un comité local de l’école a été ainsi créé pour réunir les volontaires et les représentants des parents d’élèves, en vue d’assurer un mode de gestion local transparent de l’école.

Aux dernières nouvelles, l’école des enfants touareg de Tamataïlalt fonctionne bien, mais nécessite chaque année un besoin financier pour garantir son plein fonctionnement si elle souhaite garder les enfants. Le financement local ne suffit évidemment pas et l’association Akassa Sahel s’efforce de rassembler les fonds nécessaires, notamment ceux provenant des dons de toutes les personnes sensibilisées par l’existence de cette petite école du désert.

L’éducation est un droit dont doivent bénéficier tous les enfants, même ceux vivant dans les zones les plus reculées de notre planète. Les conditions locales et le contexte politique peuvent souvent empêcher de garantir ce droit. Néanmoins, les efforts des acteurs locaux et associatifs, sans compter la bonne volonté des donateurs, permettent à l’heure actuelle de faire vivre ces petites écoles, bâties pour l’avenir des enfants touareg.

(Photos : Akassa Sahel)

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-L’association Akassa Sahel sera présente le 23 septembre au Canal Saint-Martin à Paris, pour l’édition 2007 de la manifestation "Ensemble, nous sommes le 10e". Plus de précisions ici : http://www.mairie10.paris.fr/mairie10/jsp/site/Portal.jsp ?page_id=24

-Site de l’association Akassa Sahel : http://www.akassa.org/

-Blog de l’association : http://akassasahel.hautetfort.com/

-Site d’information sur la région de Kidal : http://www.kidal.info/index.php