ouvent on entend dire que les journaux de France Télévisions sont de moins bonne qualité que ceux proposés par TF1. A la seule vue des audiences, l’écart est flagrant, mais qu’en est il au niveau même des sujets ?
Pour faire cette petite comparaison, j’ai pris le même fait divers traité à une journée d’intervalle. Respectivement dans le 20 heures de TF1 du 29 août et l’édition du 13 heures de France 2 du 30 août dernier.
Brièvement, l’histoire est celle d’une retraité qui depuis le mois de juin se retrouve être la seule locataire d’un HLM de 190 logements de la ville de Bourges. Arguant des promesses du maire non tenues quant à la réhabilitation de son logement, elle sabote dès lors le futur projet de centre commercial et de parking qui doit voir le jour ici même en ne voulant pas quitter son logement.
Tout d’abord, je précise que j’ai pris ce fait divers car le fait en lui même est restreint, de cette manière, les deux reportages peuvent être opposables. Il ne s’agit pas de la couverture d’un conflit ou d’une catastrophe où le comparatif se complique du fait des sujets traités au coeur même de ces évènements.
La première chose facilement comparable est la durée de chacun des reportages consacrés. Pour chaque chaîne, environ deux minutes sont suffisantes pour faire état de cette situation quelque peu particulière. Ensuite, la tonalité de retranscription de cette situation diffère un peu entre TF1 et France 2.
Sur la première chaîne d’Europe, PPDA nous parle tout d’abord d’un “récit qui ne manque pas de piquant“. Le reportage est lui truffé d’indices qui renforcent cette idée d’une gauloise contemporaine qui résiste encore et toujours à l’envahisseur… Dans le désordre on retrouve des paroles comme “je suis seule ici depuis le 27 juin” (avec un plan large qui montre son isolement), “irréductible grand mère“, “pourrir un projet” ou encore “une seule ouverture pour madame Bruneau, une seule boîte aux lettres et une seule sonnette pour madame Bruneau“. Au delà des paroles, les images montrent également son isolement ; des paysages “désertiques“, l’utilisation d’un réchaud. Mais à la manière de la célèbre bande dessinée gauloise, une dose d’humour vient s’ajouter quand il s’agit de la prise des douches.
Quant à la compréhension précise de la situation, le reportage propose une séquence où la locataire montre la lettre incriminant le maire de ses promesses non tenues. Elle profite de ce moment pour faire passer le seul message de ce document : “trahison et confiance dans leurs élus“, ce sera d’ailleurs le seul instant où son avis sera proposé. Par ailleurs, une interview de Monsieur Pasdeloup indique les projets envisagés pour ce quartier. A aucun moment, la situation de madame Bruneau ne semble l’inquiéter puisque l’échéance de décembre semble être fatal à sa tentative. Enfin, et comme un dernier pied de nez apporté à ce reportage, il se conclut avec l’irréductible vieille dame qui s’occupe consciencieusement de ses géraniums.
A présent, du côté de France 2, la tonalité adoptée n’est pas tout à fait la même quand il s’agit d’aborder ce sujet. Malgré la situation saugrenue, Elise Lucet nous présente la principale protagoniste comme étant une “jeune retraitée bien sous tous rapports” effectuant une “résistance individuel“. Le ton adoptée dans le cas de France 2 reprend plus des thématiques du souvenir, “un quartier avec une âme“, “où elle vit de puis quatorze ans” mais aussi “les gens se parlent, se connaissent“. L’image là aussi témoigne de ce même sentiment puisqu’on la voit marcher au travers de ces douze mille mètres carrés vides de tout. Tout comme pour TF1, la jeune retraitée sort les documents attestant de son combat, la scène est ici quasi identique entre les chaînes. Et c’est là aussi le seul moment qui lui est donné pour faire passer son message. Et en tant que bonne communiquante, elle paraphrase parfaitement ses dires de TF1 via les formules “s’engager” et “dire le contraire“.
Quant à la contradiction, elle ne se manifeste pas de manière concrète dans ce reportage puisqu’aucune interview n’a été donnée par une instance de la ville de Bourges. Enfin, le reportage se conclut par quelques images témoignant de ses conditions de vie, le tout conclut par une pointe d’humour apportée par le bonheur de ne pas avoir de voisins quand il s’agit d’écouter de la musique à volume élevé.
Au final, dire que l’un est meilleur que l’autre serait bien présomptueux. La seule différence notable réside dans l’interview obtenue par TF1 d’un responsable des locations HLM que France 2 n’a pas. Cela étant, cela ne modifie pas foncièrement la qualité du reportage. Selon moi, c’est plus la tonalité qui remporte l’adhésion populaire. TF1 prend dans cet exemple précis le paris de la dérision alors que France 2 s’oriente d’avantage dans le passéisme. TF1 joue donc (comme dans la plupart de ses reportages) sur un rythme plus soutenue que ce que produit la concurrence. Comme quoi, une information objective n’existe définitivement pas et qu’une dose de narration et de mise en scène sont nécessaires pour faire adhérer le public.
Ci-dessous un montage vidéo des deux reportages auxquels je fais référence dans cet article.
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PS : le montage a été effectué par mes soins, il est de qualité variable j’en conviens, mais pour les prochains, je promets de m’améliorer !