Ce slogan a été ringardisé si longtemps qu'il semble aujourd'hui refaire surface sous un jour nouveau. J'ai moi-même été l'un des premiers à en rire, c'était avant que les désillusions de la vie de salarié ne rattrapent mes rêves estudiantins. La fête est finie, je fais partie de cette satané masse salariale, celle qui est comprimée lorsque les temps sont durs, celle qui est si souvent humiliée par l'échelon n+1.
La fête de la "boi-boite" a donc lieu aujourd'hui et cette vision festive correspond mieux à mes besoins anarchiques que ce que j'expérimente au boulot depuis la fin de mes études.
Retour en arrière.
Mon choix s'est effectué un samedi après-midi en passant la tondeuse à gazon
C'était en 1990, je sortais de Math-spé, le torse bombé. Les concours étaient dans la poche et j'avais le choix entre plusieurs écoles d'ingénieurs et Normale-sup' (pour devenir enseignant-chercheur). Mon père ayant été professeur, j'ai opté sans doute par réaction pour une école d'ingénieur. Il faisait chaud cet après-midi là, je passais la tondeuse torse-nu et c'est dans ce brouhaha là que j'ai décidé de mon sort. Avais-je le choix ? certainement, mais il me semble maintenant qu'il était bien plus limité que je ne le pensais à l'époque.
Je rêvais de liberté, je rêvais de recherche, je rêvais d'un tas de choses qui me paraissent désormais illusoires.
Avec mes presque 40 ans, si j'avais à choisir je ne ferais certainement plus le même choix. Comme dirait Souchon: On l'a tous fait un jour ce rêve là.
Le rideau s'est ensuite abaissé lentement
J'ai donc débuté dans le privé sans boulot. C'était d'ailleurs une première en France - mais après la première guerre du Golfe les ingénieurs débutants..n'avaient pas d'expérience et ne trouvaient donc pas de boulot.
Nous étions donc des centaines à chercher des petits boulots, faute d'expérience. J'ai ensuite, après de multiples PME psychotiques, enfin décroché LE boulot dans une grosse boi-boite. Je pensais avoir enfin atteint le Graal. Il m'a fallu presque dix ans pour comprendre les ressorts des salariés pour survivre dans cette jungle là. L'humiliation est un moteur comme un autre, mais il est systématiquement tenu sous silence lorsque l'on parle de travail. C'est pourtant sa présence au quotidien que nous constatons tous les jours sans forcément en déceler les traits. On préfère parler de stress, d'objectifs et tout un tas de sornettes de cet acabit là.
Alors finalement manifester dans la rue aujourd'hui, avec des inconnus, en groupe ou seul: c'est finalement pas si mal. Quant à moi, je me repasserais intérieurement les années 90, pour tenter de stopper ce quotidien qui nous consume à petit feu.
Just blowing in the wind, just blowing in the wind...