A las cinco de la manana…
Ce matin, je vous convie à une réflexion sur le système onusien et son financement, en contrepoint des débats qui agitent aujourd’hui la bulle politique française sur l’imposition des plus riches.
L’ONU, plus pauvre la vie
Deux systèmes coexistent au sein des Nations Unies. L’ONU elle-même est basée sur un système très progressif : les dix premiers contributeurs du budget doivent peser environ 70% des recettes ordinaires. Les plus petits Etats, eux, doivent acquitter au minimum 0,01% du budget. C’est donc, poussé à l’extrême, l’équivalent de notre système d’imposition sur le revenu. En France, 10% des contribuables représentant 1/3 des revenus acquittent 69% de l’impôt. A l’inverse, 50% des contribuables financent 0,99%.
Cette inégalité dans le financement contraste, elle, avec le principe d’égalité souveraine des Etats, qui fait que Nauru a le même poids que les Etats-Unis à l’Assemblée générale des Nations Unies.
Or, que constate-t-on ? Que les Etats-Unis ont fini par se fatiguer d’une organisation qu’ils financent à 25%, mais où on leur reconnaît 1/194ème des suffrages. Confrontés à des demandes de dépenses budgétaires exponentielles d’une organisation pilotée par les pays pauvres, ils ont fini par ne plus acquitter leurs cotisations à temps, creusant la dette de l’organisation – nous appellerions ceci de la « fraude fiscale ».
Dans les années 70, s’est imposée l’idée d’une croissance à taux zéro du budget réel de l’organisation, pour l’obliger à faire des gains de productivité sur son administration pléthorique. Nous avons là, si l’on trace une comparaison, une critique des classes aisées à l’égard d’un Etat qui vivrait au dessus de ses moyens. C’est le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux !
Dans le système de l’ONU, les Etats riches ont mis en place un financement parallèle de leurs programmes, appelés « ressources extraordinaires », et qui échappent aux votes de l’Assemblée générale. C’est le donateur qui décide de la manière dont se fera le programme, ses objectifs, les moyens pour y parvenir. Ramené à l’échelle d’un Etat, on pourrait parler de démembrement du secteur public, les plus riches finissant par privatiser leurs besoins (et hop, on retrouve des problématiques bien connues sur la retraite par capitalisation…)
Moralité : il faut qu’un impôt minimal soit acquitté même par les plus pauvres pour les sensibiliser à l’opportunité de la dépense. Cela pencherait donc en faveur d’un « glaive fiscal » forfaitaire à payer par les contribuables actuellement non-imposés à l’IR…
Robin Hood ne se cache pas dans les Bretton Woods
Et l’autre système, me direz vous ?
C’est celui de Bretton Woods, qui fonctionne exactement à l’inverse : le droit de vote est calé sur la participation financière, ce qui donne aux pays les plus riches la totale maîtrise du FMI et de la Banque mondiale.
L’effet pervers constaté a été que ces pays riches dirigés par les Etats-Unis ont été amenés à imposer leur vision du développement, ce qu’on a appelé le « consensus de Washington« , une série de mesures économiques monétaristes et libérales. Elles ont mené à la ruine d’un bon nombre d’Etats…
A l’échelle d’un système fiscal, ce serait la démonstration de ce qui arriverait si on laissait les plus fortunés diriger le système fiscal : il fonctionnerait dans leur propre intérêt. On revient à une forme de privatisation.
Laffer du Bouclier
Lorsque je vois le débat actuel sur le fameux « paquet fiscal » que Malakine qualifie très justement de « péché originel » du Sarkozysme, les deux pôles que représentent l’ONU et le FMI me viennent en tête pour symboliser les termes du débat. Ces pôles sont les mêmes : la privatisation de la sphère publique par les classes les plus aisées, soit qu’il s’agisse d’échapper à l’impôt, soit qu’ils aient les moyens de contrôler l’Etat.
Pour avoir trop tiré sur la corde démocratique en refusant de reconnaître qu’une majorité de micro-Etats et de PMA ne saurait décider de sommes qu’ils n’ont pas versé sans consulter les plus riches, l’ONU a fini par s’appauvrir totalement et ses programmes lui échappent. Pour avoir trop cyniquement poussé le modèle inverse, le FMI s’est décrédibilisé et est devenu monolithique.
Entre ces deux pôles, il y a la fameuse courbe de Laffer avec le taux de fiscalisation idéale.
Il me semble que le système français est plus proche du cas ONU que du cas FMI. Les quelques cadeaux à l’égard des riches font peut être gronder, mais il serait stupide d’oublier que c’est une broutille comparée à ce qu’ils versent effectivement. La majorité de ceux qui veulent les castrer ne sont pas la majorité de contribuables.
Rappelez-vous : Lénine a déporté ses koulaks, et s’est aperçu ensuite que sa production agricole avait chûté. Staline a massacré ses généraux, et l’armée rouge s’est pris une veste en 40. Est-il bien utile de pendre nos financiers et nos riches en temps de crise ?
En définitive, je suis donc pour un élargissement symbolique de l’impôt aux classes les plus pauvres, et considère que le bouclier fiscal reste une bonne idée. Au nom de quelle idéologie, les autres peuvent-ils décider de me prélever plus de la moitié de mes revenus pour financer leurs projets ?
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