Eté 2007. Le nouveau président réalise une promesse de campagne. Le seuil du bouclier fiscal est abaissé de 60 à 50% mais en incluant dans la liste des impôts la CSG et la CRDS.
En termes clairs on ne peut pas verser au Trésor public au titre de l’impôt plus de 50% de son revenu. La mesure est loin d’être neutre. Elle survient surtout dans une période où une majorité de français doit faire face à une érosion de son niveau de vie alors que Nicolas Sarkozy rentre bredouille d’une chasse à la croissance qu’il avait promis de ramener avec les dents.
Plus qu’une mesure économique, le bouclier fiscal est vite devenu une mesure hautement symbolique. C’est la mesure phare de la loi Travail, emploi, pouvoir d’achat (Tepa) articulée autour de l’idée centrale de réhabilitation de la valeur “travail” et qui se décline sur différents postulats : moins de fonctionnaires, moins d’impôts et “travailler plus pour gagner plus”.
Nicolas Sarkozy n’est pas homme à reculer d’autant qu’il sait que son socle idéologique est tenu. Lâcher sur le bouclier fiscal c’est condamner le roi à être nu. C’est reconnaître qu’il n’est pas infaillible. Une sacrée fissure dans sa cuirasse de président omnipotent. C’est aussi ébrécher sa crédibilité dans la course à un deuxième mandat. Bref, une rupture dans la rupture.
Face à une adversité croissante, Nicolas Sarkozy doit désormais en plus faire face à critiques dans son propre camp. Un sondage paru dans Libération le 11 mars atteste d’un désenchantement non négligeable (18%) de l’électorat sarkozyste à l’égard de leur champion d’hier. Pire 42% des personnes interrogées affichent leur solidarité avec le mouvement social du 19 mars.
Mais, ce n’est pas tout. Comme le résume Les Échos, la situation tourne au cauchemar pour l’Elysée. A leur tour, ceux qu’on surnomme les “sociaux” de l’UMP eu Nouveau Centre n’hésitent plus à faire part de leur doute sur le dispositif du bouclier fiscal. Au nom d’une certaine justice social et surtout d’un partage de l’effort dans un contexte de crise des députés UMP demandent la suspension du dispositif le temps du retour à une situation économique moins dégradée. Concrètement, une poignée de parlementaires de la majorité ont proposé à la commission des Finances d’adopter des amendements pouvant mener, s’ils étaient retenus, à une taxation supplémentaire de 10 points sur les plus hauts revenus.“A l’instar des Etats-Unis et du Royaume-Uni, il est économiquement efficace et socialement juste de demander aux catégories les plus aisées un effort financier supplémentaire ” explique Pierre Méhaignerie.
Gardien de l’orthodoxie sarkozyste, Eric Woerth, a aussitôt fait part de son opposition ” Qui peut croire que ces augmentations d’impôt seraient provisoires ? ” Le ministre du Budget a exhorté les députés à « ne pas dresser les Français les uns contre les autres” avant de faire la promotion du bouclier fiscal “Est-il honteux de gagner de l’argent en France? La réussite matérielle doit-elle rimer avec l’expatriation? Veut-on que la France ressemble à terme à un vaste parc national ou à une réserve de tourisme?”.
Talon d’Achille pourtant avéré du dispositif, les 756 foyers fiscaux qui ont reçu en moyenne en 2008 un chèque de 381.782 euros. Et encore, ce ne serait là que la partie émergée de l’iceberg. Médiapart (toujours eux) qui s’est procuré un document issu de Bercy évoque un bilan explosif “Jamais il n’y a eu mesure fiscale aussi coûteuse, aussi inégalitaire, aussi disproportionnée. Si aucun remède n’est apporté, Nicolas Sarkozy méritera sa réputation de président du Cac 40.”
Avec le recul, on peut considérer que la mesure est numériquement un échec. Selon Médiapart, Bercy escomptait que le dispositif bénéficie à 232.000 foyers fiscaux. Or semble-t-il, le chiffre stagnerait sous la barre des 14 000 1(3.700 en 2007 et 13.998 en 2008) alors quele coût pour les finances publiques aurait plus que doublé, passant de 229,1 millions à 458 millions.