Cette situation n’est pas unique en Europe. Au niveau communautaire, des Etats sont incapables de faire face aux besoins de certains secteurs de la santé. Plusieurs études font état de fortes disparités dans le traitement de diverses maladies. L’espérance de vie d’une femme atteinte d’un cancer varie ainsi entre un à neuf ans selon les Etats membres.
Ce constat aurait dû inciter la Commission européenne à demander aux Etats membres d’assurer une égalité d’accès aux soins entre tous les citoyens de l’Union européenne, en fixant des objectifs améliorant la prise en charge des patients selon les besoins identifiés dans les Etats membres.
Ce n’est pas la voie aujourd’hui choisie par l’Europe qui lui préfère la libre circulation des patients et des professionnels de santé. Si la directive «relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers» aujourd’hui en débat au Parlement européen était votée en l’état, il serait désormais possible pour chaque patient européen d’aller se faire soigner dans le pays et l’hôpital de son choix. Chacun comprend les limites d’une telle législation qui profitera à une minorité de citoyens et permettra d’esquiver le réel problème de la qualité des soins et de son accès sur l’ensemble des territoires européens.
Il paraît également évident que la mobilité des professionnels de santé continuera de se faire unilatéralement, en fonction des niveaux de rémunération des médecins, ce qui continuera d’aggraver la situation dans plusieurs pays. Aujourd’hui, par exemple, neuf cents médecins roumains exercent en France et compensent le manque de professionnels sur notre territoire, mais personne ne s’inquiète de savoir les conséquences de cette mobilité sur le niveau de soins des patients roumains…
La proposition de réforme hospitalière du gouvernement français ne prend pas du tout en compte cet état de fait, ni son évolution dans les années à venir. Car, faute d’une politique de santé réellement coordonnée au niveau européen et tournée vers le patient et non pas vers la rentabilité, chacun tentera de résoudre les difficultés rencontrées par son système de santé.
Concurrence entre établissements de santé, puisque «hôpital» semble devenir un gros mot, désertification médicale de certaines zones que partiellement comblée demain, nomadisme médical au niveau européen dû à l’absence de soins ou à un niveau trop faible… Au XXIe siècle, on aimerait que la santé soit enfin reconnue comme un droit et que le libéralisme ne cherche pas à imposer sa logique implacable sur ce secteur.
Par Anne Ferreira, députée européenne PS
Source : Libération