Réalisé par Gus Van Sant, " Milk " (rebaptisé " Harvey Milk " en français, pour que les Gaulois anglophiles ne croient pas que c'est un film sur le lait) est un film qui s'ouvre sur des images d'archives montrant les relations difficiles qu'entretenaient les homosexuels et la police dans un pays focalisé sur la guerre du Vietnam. Il plonge le spectateur dans le San Francisco des années 70, et plus particulièrement dans le quartier de Castro, où ceux qui aiment leur propre sexe ne craignent pas de s'afficher. Autour de Harvey Milk évolue toute une galerie de personnages hauts en couleur, interprétés par d'excellents acteurs : James Franco (plus connu du grand public pour ses prouesses de méchant spidermanien), Josh Brolin (ex-George W. Bush dans le dernier Oliver Stone) sans oublier le petit dernier, Emile Hirsch, bouleversant Christopher McCandless dans Into the Wild... Into the Wild réalisé par Sean Penn qui porte ici le rôle-titre. Pour interpréter le premier activiste politique des Etats-Unis ouvertement homosexuel, c'est une excellente idée d'avoir choisi l'acteur le plus engagé, mais aussi le plus hétérosexuel qui soit, à une époque bagarreur, alcoolique, n'hésitant pas à cogner quiconque l'appelait " Monsieur Madonna " il y a vint ans (pas parce qu'il imitait Madonna mais parce qu'il était marié avec elle !). A l'heure où la Californie refuse le mariage gay, il est bon de rappeler qu'il y a trente ans Milk se battait pour que le pays ne licencie pas ses enseignants homosexuels (entre la pédophilie et l'homosexualité il n'y a qu'un pas, rappellent les homophobes du film). Il connaîtra des victoires avant d'être brutalement assassiné par son collègue, conseiller municipal comme lui...
Les cinéphiles savent que Gus Van Sant, homo lui-même, est le réalisateur du très beau et du très shakespearien My Own Private Idaho, avec feu River Phoenix... Ils retrouveront cette émotion avec Harvey Milk, portrait d'un homme émouvant, sensible, conscient de ses faiblesses mais suffisamment courageux pour surmonter les obstacles. Ils apprécieront qu'un sujet sérieux ne soit pas exempt d'humour : quand le conseiller White chante les louanges de la famille et demande par provocation à Milk si les homosexuels peuvent se reproduire, ce dernier répond : " God knows we keep trying ! " (" C'est pas faute d'essayer ! ").
Si vous allez sur la page " Harvey Milk " de Wikipédia (version anglaise, plus complète en texte et plus riche en photos), vous prendrez conscience de tous les efforts qui ont été faits pour que Sean Penn ressemble à celui qu'il incarne. Cette page comporte (en version anglaise) une photo du magasin qu'a tenu Milk à Castro. Un sticker au mur suivi d'une citation est à son effigie. Comme je me suis rendue dans ce magasin en juillet dernier, je peux vous dire qu'il est devenu une très belle boutique de déco. Tenu par un homme qui aime les hommes et qui voit passer tous les jours les touristes...
A noter en effet que ce film est très bon, très juste, avec un Sean Penn inspiré, qui affine son jeu de gros dur macho sans tomber dans l'excès digne de la "Cage aux Folles". Un film qui prend aussi le soin d'égratigner, même si à mon sens pas encore assez, le sectarisme de ces gays qui défendent leur cause, en oubliant au passage les lesbiennes qui sont accueillies avec réticence, voire simplement rejetées. Qu'on soit pro ou anti gay ( anti gay, un peu con, mais bon... ) on ne peut que s'indigner de cette loi qui voudrait que les profs homos soient renvoyés, ce qui fait dire à Harvey Milk cette excellente réplique : Mais comment ça s'enseigne, l'homo sexualité? Un Harvey Milk mort bien trop tôt pour avoir connu les Pet Shop Boys ou Erasure, et qu'il est opportun de redécouvrir avec ce film. (7,5/10 : ma note, pas celle de Carole, qui a bien aimé, vous aurez compris, et que je remercie bien fort!)